Interview Christel BONY, pionnière du Sextoy interactif primé au CES Las Vegas au collectif SexTech For Good

Rencontre avec Christel Bony, pionnière de la Sextech Notre invitée, Christel Bony, est une figure emblématique dans le domaine de la Sextech. Avec un parcours riche et varié, elle a su transformer sa passion pour les mots et la technologie en une aventure entrepreneuriale hors du commun...

Comment la sexualité peut-elle influencer notre perception de la société et notre bien-être individuel ?

Dans cet épisode captivant, nous nous penchons sur un sujet souvent tabou mais fondamental : la sexualité et son impact sur notre société. Nous explorons comment elle peut être un vecteur de liberté, d'épanouissement personnel, et même de changement sociétal. À travers des discussions enrichissantes, nous questionnons les normes établies et les barrières culturelles qui entourent ce sujet crucial.

Rencontre avec Christel Bony, pionnière de la Sextech

Notre invitée, Christel Bony, est une figure emblématique dans le domaine de la Sextech. Avec un parcours riche et varié, elle a su transformer sa passion pour les mots et la technologie en une aventure entrepreneuriale hors du commun. Christelle a fondé le collectif "Sextech for Good" pour promouvoir une approche innovante et responsable de la sexualité, englobant éducation, santé et plaisir. Forte de son expérience, elle partage avec nous ses défis, ses succès, et sa vision pour l'avenir de la sexualité dans notre société.

Vers une révolution de la Sextech

L'épisode aborde des thèmes variés, allant de l'importance de l'éducation sexuelle à l'impact de la technologie sur notre intimité. Christel nous parle de l'essor de la Sextech, un secteur en pleine expansion qui redéfinit notre rapport au corps et au plaisir. Elle évoque également les enjeux politiques et sociaux liés à la sexualité, soulignant la nécessité d'une approche plus ouverte et inclusive. Cet épisode est une invitation à repenser notre vision de la sexualité, non pas comme un simple sujet de plaisir, mais comme un levier de transformation sociale et personnelle.

L'entrepreneuriat audacieux de Christel Bony

Christel Bony, une entrepreneuse passionnée, partage son parcours inspirant dans le monde de la sextech. Elle a su transformer des idées novatrices en projets concrets, notamment en développant le premier sextoy synchronisé à de la littérature érotique. Malgré les défis rencontrés, son esprit pionnier et sa résilience sont des exemples inspirants pour les futurs entrepreneurs.

Le pouvoir des mots et de la lecture

Christelle souligne l'impact profond de la lecture sur sa vie, évoquant comment les mots peuvent provoquer des émotions intenses et influencer notre perception du monde. Elle partage son amour pour les livres et leur capacité à éveiller l'imaginaire et à créer des sensations, illustrant l'importance de la littérature dans son parcours personnel et professionnel.

Innover dans la sextech

L'épisode explore comment Christel a navigué dans le secteur de la sextech, un domaine souvent mal compris et sous-estimé. Elle décrit les défis liés à la création d'un produit industriel, les obstacles rencontrés avec les fournisseurs et la nécessité d'innover constamment pour répondre aux besoins des consommateurs tout en brisant les tabous.

La dimension politique de la sexualité

Christel met en lumière la dimension politique de la sexualité, en expliquant comment les normes sociétales influencent notre perception du plaisir et de l'intimité. Elle plaide pour une éducation sexuelle plus ouverte et inclusive, soulignant l'importance de repenser nos approches pour favoriser une société plus égalitaire et respectueuse.

Sextech for Good : Un collectif engagé

Après l'échec de sa start-up, Christel a fondé Sextech for Good, un collectif visant à soutenir les entrepreneurs de la sextech. Ce groupe promeut l'innovation responsable et l'impact sociétal positif, en s'attaquant aux défis liés à l'éducation, à la santé et au plaisir. Leur mission est de transformer la perception de la sextech et de démontrer sa valeur dans notre société.

00:00:04 - Introduction de l'invitée Christel Bony
00:00:20 - Parcours entrepreneurial de Christel
00:02:02 - Expériences dans la réalité augmentée et les livres
00:04:26 - Première BD érotique avec QR codes
00:09:57 - Invention du premier sextoy connecté au CES de Las Vegas
00:20:20 - Obstacles et critiques sexistes dans le domaine de la sextech
00:27:42 - Hypocrisie dans le financement bancaire et réglementations
00:41:00 - Difficultés de production et copie du produit
00:53:18 - Création et objectifs de Sextech for Good
00:72:00 - Impact et lutte pour la reconnaissance de la sextech
00:77:00 - Perspectives futures et collaboration avec le podcast

Christel BONY sur Linkedin
https://www.linkedin.com/in/christelbony/

SexTech For Good
https://www.sextechforgood.org/

Le podcast est disponible sur toutes les plateformes : Apple podcast, Spotify, Deezer, etc.


La transcription intégrale de l'épisode du podcast

Interview avec Christel BONY - Fondatrice de SexTech for Good

Introduction

Patrick : Je reçois aujourd'hui une entrepreneure, évidemment, c'est Christel BONY avec un seul L. Bonjour Christel !

Christel : Bonjour, Patrick.

Patrick : Je suis ravi de vous recevoir sur ce podcast. On va parler de choses super intéressantes qui touchent, évidemment, à l'entrepreneuriat. Vous avez eu un parcours avec un montage d'un certain nombre de dossiers, dont une start-up qui s'est présentée à Las Vegas et qui a même eu un prix. Et donc, ça, c'est quand même assez chouette. Et puis ensuite, maintenant, vous êtes à la tête d'une association, d'un collectif, on peut l'appeler comme ça, qui s'appelle Sextech for Good. On va plonger dans l'univers de tout ce qui touche à cet univers-là et je suis ravi de passer ce moment-là avec vous, Christel. Est-ce qu'on va commencer, je dirais, sans vous laisser le temps de respirer ? Un sujet qui, parfois, n'est pas évident. Comment vous présenteriez-vous ? La fameuse présentation ? Qu'est-ce que vous diriez ?

Christel : De manière très simple, je dirais que je suis consultante dans le domaine de la sextech. Donc mon boulot au quotidien, c'est d'accompagner des entrepreneurs et des projets innovants dans tous les domaines de la sexualité. C'est un sujet dont on va parler, qui est beaucoup plus profond, beaucoup plus engagé que ce que bien des gens pensent. Je suis ravie et merci pour cette invitation à pouvoir en parler de la bonne manière.

Parcours de Christel

Patrick : Alors justement, ce qu'on va faire, Christel, moi, je vous propose de partir un peu des origines, parce que moi, ce qui m'intéresse souvent, c'est justement comment on en arrive à l'entrepreneuriat. Est-ce que vous pouvez nous raconter, justement, peut-être même déjà au niveau de votre environnement familial ? Est-ce que vous aviez de la famille, des parents qui étaient un peu entrepreneurs ou pas du tout ? Quel est votre parcours un petit peu scolaire ? Qu'est-ce qui va vous amener jusqu'à maintenant ?

Christel : Je blague souvent, je ne fabriquais pas des sextoys en Lego quand j'étais petite. Ça aurait pu y avoir plein d'imagination déjà ! C'est un long parcours. J'ai une formation de communicante et j'ai bossé 15 ans dans la com. À un moment donné de ma carrière, je me suis retrouvée dans une école d'ingénieur pendant 8 ans. J'aimais vraiment le côté... de vulgarisation scientifique, j'ai toujours aimé ça. Mais dans cette structure, je me suis trouvée limite burn-out à un moment donné parce que c'était une école d'ingénieurs militaires et je pense que je n'avais pas le bon caractère pour ça. Et je me suis posé la question, j'ai fait un bilan de compétences et on m'a dit « Ah, je pense que vous ne vous êtes pas trompée de métier, mais par contre effectivement, vous vous êtes trompée d'endroit. » Vous êtes sans doute beaucoup plus faite pour travailler sur des petites équipes. Et là, je me suis dit oui, effectivement.

Et la magie de la vie et de la synchronicité, c'est l'iPhone arrivé sur le marché. Et donc, on commençait à entrevoir tout un monde, notamment pour les communicants, un nouveau monde, un nouveau terrain de jeu. J'y étais, j'étais au lancement de l'iPhone. J'ai travaillé dans le mobile et j'étais à cette époque-là directement chez Orange France. Et donc oui, ça a été la révolution. Les gens ne s'en rendent pas compte, mais ça a été vraiment les débuts de l'Internet mobile. Aujourd'hui, il faut quand même savoir que 90% de l'accès à Internet passe par le smartphone, passe par le mobile. Donc l'iPhone a été une vraie, vraie révolution.

Patrick : Je suis d'accord. Et avec vous, en plus, avec des sujets d'interactivité, de touchscreen qui étaient très innovants au niveau des interfaces, au niveau de ce qu'on arrivait à faire, au niveau de la qualité de l'image et de la vidéo, etc. sur les écrans.

Christel : Tout à fait. C'est vrai que les premiers temps, c'était un peu galère, mais on voyait bien déjà le potentiel, le truc avec un peu d'imagination, se dire « waouh, ça va être énorme ». Donc, j'ai quitté ma boîte et puis je me suis associée dans une première start-up qui développait des applications mobiles de réalité augmentée. Et donc là, j'ai commencé à entrevoir tout un monde. Et à ce moment-là, j'ai beaucoup travaillé sur le livre, l'objet livre, et de se poser la question quel est l'impact sur les usages de lecture. Moi, j'ai toujours été passionnée de mots et de livres.

Et donc, je travaillais beaucoup avec des éditeurs et c'était vrai que c'était une révolution parce que l'idée de se dire que dans un livre, on peut mettre du QR code ou de la reconnaissance d'images fait qu'un livre n'est pas totalement fini, contrairement à ce qu'il était avant, qu'on peut l'enrichir, qu'on peut créer des ponts entre réel et virtuel et que faire, par exemple, un livre d'histoire avec des images d'archives dedans, on plonge dans l'histoire vraiment. Il y avait énormément de choses à faire. J'ai créé la première bande dessinée érotique avec des QR codes à l'intérieur. Avec cette idée d'avoir en fait une double lecture en se disant il y a l'histoire que je lis et puis si je scanne les QR codes, je vais vraiment savoir ce qui se passe dans la tête des personnages parce que c'est ce qui se passe dans la vie quand on rencontre quelqu'un. Il y a ce qu'on dit pour plaire et il y a ce qu'on pense. Parfois il y a un décalage.

Patrick : C'est super malin, le concept est génial, c'est super malin.

Christel : Mon idée, c'était de dire aux gens qui avaient acheté la BD de leur envoyer un message deux ans après, par exemple, leur disant reprenez votre livre, relisez l'histoire. Elle a changé. Donc de faire changer les petites scénettes qu'il y avait dans les QR codes, parce que quand on repense à quelque chose, deux ans, cinq ans, dix ans après, souvent, les souvenirs ne sont plus les mêmes. On les enjolive ou on essaie d'oublier ce qui ne s'est pas bien passé. On ne garde que le meilleur, peu importe. Mais il y avait cette idée-là. Et puis, j'ai commencé vraiment à travailler sur ce sujet-là. Et au bout d'un moment, je me suis dit, OK, les gens me disaient...

Patrick : C'est super original, Christel. C'est vraiment la petite histoire des QR codes et ça. Et en fait, les petits QR codes envoyaient vers des images du web. Qu'est-ce qu'il y avait derrière le petit QR code ?

Christel : J'avais travaillé avec un illustrateur qui faisait aussi des jeux vidéo. Et donc, ça envoyait sur des petites scénettes en format dessin animé, mais qui étaient des scénettes très drôles.

Patrick : C'est super, c'est super original. Franchement, génial. C'est toujours disponible ou pas du tout ?

Christel : Je crois pas. Non, non, ça doit être collector. Il m'en reste quelques-uns. Ça s'appelle "Samedi soir, Dimanche matin". Et c'était vraiment un ovni, en fait, cette BD. Mais ça a montré déjà pour moi tout le potentiel et ça ouvrait pour moi un nouveau monde possible dans le domaine de l'édition.

Et à ce moment-là, je travaillais aussi avec d'autres éditeurs, je mettais des QR codes dans des bouquins de cuisine, ça avait un peu moins de sens, mais bon, c'était comme ça. Et les gens, quand je commençais à parler de ces nouveaux usages de lecture en numérique, me disaient « oh là là, moi j'aime l'objet livre ». Et je comprends, parce que moi, j'adore aussi les livres, mais il y avait quelque chose qui me perturbait un peu, c'était qu'un livre, quand il a une matérialité, qu'il est objet livre, c'est comme si le contenu avait plus d'importance, parce que le même livre avec le même contenu dans un iPad fait qu'en fait, il devient pratique. Et c'est comme si le contenu avait moins de valeur.

Et donc, je me suis dit, comment on fait, puisqu'on va tous lire de plus en plus de choses en numérique et de contenu dématérialisé, comment on fait pour recréer des sensations ? En fait, une autre forme de matérialité pour leur redonner de la valeur. C'est un peu complexe, mais c'était comme ça. Et donc, la question, c'était comment on fait vivre des expériences de lecture numérique sensorielle et comment je synchronise des contenus numériques à des objets haptiques, donc des objets qui donnent des sensations. Et ça, ça a été le début de mon projet de recherche. C'est à ce moment-là que j'ai créé ma start-up.

Patrick : C'est carrément pionnier. Vous êtes une pionnière, Christel. Franchement, la manière d'aborder ce sujet-là, moi, je trouve ça incroyable. J'adore, je baigne là-dedans la tech, la créativité, tout ça. Mais franchement, que ne vous ai-je pas rencontrée avant ? Je trouve ça génial. L'originalité, la créativité, elle est énormissime dans l'approche que vous avez eue de vouloir raconter des histoires. Et le multimédia prend vraiment son sens. On est vraiment sur ce mariage, comme vous dites, de l'écrit, de l'objet livre, de l'image. On va le voir après, du son, etc. Donc, c'est vraiment magique. C'est top. Bravo.

Naissance du concept de B-Sensory

Christel : Merci. Une fois que j'avais cette idée-là, la question, c'était par quoi je commence ? Il me fallait un démonstrateur de ce qu'est une expérience de lecture numérique sensorielle. Et là, le plus simple et le plus évident pour moi, c'était de commencer par la littérature érotique, parce que c'est celle qui est faite pour écrire, pour enclencher et générer des sensations. Elle est faite pour ça, pour nous donner du plaisir. En tout cas, pour nous faire désirer.

Et puis, il y avait d'autres marqueurs, c'est-à-dire qu'on était dans un moment aussi où il y avait un gros boom du bouquin de 50 Shades of Grey. Et donc, il y avait de plus en plus de femmes qui étaient décomplexées sur le fait de lire de la lecture érotique. Je ne parle pas du contenu parce qu'on pourra y revenir plus tard, mais peu importe. Et puis parce que d'un point de vue entrepreneurial, on sait bien que c'est toujours dans ce domaine-là que c'est un marqueur. En général, quand une techno marche dans le domaine de l'érotisme ou du X, peu importe, on sait qu'en général, elle va être adoptée par le grand public. On avait plein d'exemples.

Patrick : Le secteur a toujours été précurseur et très innovant au niveau des technologies. Ils sont toujours, effectivement, un petit peu à la pointe de ce qui peut se faire. Et comme vous dites, il y a des espèces de presque de lanceurs d'alerte. Effectivement, ils sont les premiers à adopter des choses en matière technologique, notamment côté web, etc.

Christel : Oui, c'est vrai. Toujours, parce que c'est quand même une industrie qui fait tourner la planète. On ne peut pas en parler, mais... La VHS, à l'époque, la vidéo, on a choisi ce format-là. À l'époque, il y avait trois formats. C'est celui-là qui a gagné parce que c'est celui qui servait à distribuer des films pornos à l'époque. On a plein d'exemples.

Et je prenais le pari, déjà, à cette époque-là, qu'il allait être de même pour les objets connectés, c'est-à-dire qu'on allait beaucoup plus parler, effectivement, de sa montre qui nous dit combien de pas on a fait dans la journée, mais que finalement, les plus grosses ventes, ce serait quand même du côté de la sexualité. Et donc, je me suis dit, OK, j'ai créé un sextoy, donc à l'époque, le Little Bird qui est là, qui était le premier sextoy synchronisé à de la littérature érotique. Donc concrètement, on avait une application, on lisait un livre et parfois le texte était flouté. Il fallait caresser l'écran pour déflouter le texte et le lire et ça donnait une interaction.

Patrick : Incroyable. C'est Little Bird que vous avez emmené au CES ?

Christel : À Las Vegas, ouais. Et on a eu un prix au CES à Las Vegas sans faire de scandale sur le fait que c'était un sextoy. Et non, ça s'est très bien passé. C'était une très, très, très, très chouette annonce.

Patrick : Pas de puritanisme exacerbé aux États-Unis, non, ça a été ?

Christel : On n'était pas à l'ère Trump. Heureusement, parce que sinon, on s'était foutu là. Oui, mais quelques années après, il y a eu d'autres scandales parce qu'on avait donné un prix à Laura Di Carlo.

Patrick : J'en ai vu passer.

Christel : Mais c'était la première année où ils réacceptaient les produits sexuels, après plusieurs années où ils les avaient complètement arrêtés. Donc on est bien tombé. Je pense qu'on avait un concept aussi qui était intelligent, entre guillemets, parce qu'on l'avait présenté, le packaging, c'était plus en mode Apple que ce qu'on pouvait peut-être voir avant.

Il y avait un vrai changement de paradigme aussi parce que c'était un sextoy qui était fait par une femme pour des femmes. Et donc, ce qu'on voyait sur la couverture, c'était un toy et une couverture de bouquins. Ce n'était pas un homme qui a la main sur la télécommande. Enfin, je pense qu'il y avait quelque chose qui était un peu novateur aussi dans la manière d'aborder les choses. Et donc, ça a été un départ.

Les défis de la fabrication d'un produit physique

Patrick : Christel, oh là là, j'ai trop de questions. En fait, il faut qu'on fasse quatre heures d'interview. Il y a un truc, on va faire un tout petit rollback parce qu'on parle de la création, l'invention d'un produit. Et donc, je veux insister sur un truc qu'on va approfondir, c'est qu'un logiciel ou un service web ou Internet n'est pas du tout le niveau d'un produit par essence industriel qu'il faut fabriquer avec des matériaux, etc. Donc, clairement, dans la voie de l'entrepreneuriat, en tant que femme dire aller, je me lance, je vais faire une startup qui va créer un produit connecté. Vous n'avez pas choisi le toboggan facile, quoi. C'était...

Christel : Voilà. Donc ça, on va en parler. Il a été très glissant. Au départ, très honnêtement, au départ, je ne pensais pas du tout fabriquer un toy. Ce n'était pas mon idée. Mon idée, c'était de me dire, moi, mon expertise, c'était de créer une plateforme qui soit comme un iTunes des objets connectés et de me dire, j'invente une technologie qui permet de synchroniser n'importe quel type de contenu à n'importe quel type d'objet haptique.

Et donc, dans mon rêve, c'était de dire oui, demain, c'est un des contenus érotiques avec un toy. Mais c'était aussi un film de James Bond avec du textile connecté pour avoir des actionneurs et pour faire, voilà, créer plein, plein d'expériences immersives où le corps fait partie de l'histoire. Donc ça, c'était The Big Picture. C'était ça. Et puis, je me suis dit...

Patrick : Ça méritait 150 millions de dollars, Christel. Je ne sais pas combien vous avez levé, mais franchement, le pitch comme ça, mais ça vaut 150 millions.

Christel : J'aurais bien aimé, mais bon, non, c'est pas tout à fait passé comme ça. Et j'ai commencé à me dire, OK, moi, ça, je sais faire. Donc, on a développé une plateforme pour modifier des contenus, pour les rendre communicants avec des objets. Donc, on avait effectivement une partie vraiment techno plateforme sur laquelle j'ai pu lever des fonds parce que ça, c'était entendable.

Et après, je me suis dit, OK, je vais aller sourcer un sextoy qui existe déjà et je vais juste le modifier pour qu'il communique avec mon application. Parce qu'une fois que tu as modifié les contenus, il faut une application pour les lire. Donc, on avait aussi développé une application. Il fallait aussi être maison d'édition, parce que quand on n'avait pas de contenu, donc il faut augmenter des contenus, donc il fallait être aussi maison d'édition. Donc ça, on avait réussi à le faire.

Et quand j'ai commencé à chercher un toy, ça a été un peu compliqué. Et pour l'anecdote, un jour, je rencontre un des plus importants producteurs ou en tout cas importateur de toys en France. Et là, je choque des cultures parce que je me retrouve avec un homme, face à un homme à peu près 60 ans, pas du tout la même génération, chemise ouverte, chaîne en or. Et je commence à lui raconter mon histoire. Mais vraiment, c'est vraiment ça. Mais en fait, c'est la réalité du secteur à ce moment-là. Je ne sais pas si ça a évolué maintenant, mais oui.

Patrick : Oui, parce que maintenant, il y a de nouveaux acteurs qui arrivent. Mais là, je me projette, je me projette dans la scène.

Christel : Et donc, il m'explique qu'il travaille là depuis 25 ans, qu'il a visité tous les clubs échangistes de la planète, ce qui n'était pas mon sujet. Et là, il me dit, mais wow, mais votre truc, en fait, ça marchera jamais. Je dis, ah oui, pourquoi? Et là, il me dit, mais parce que les filles qui lisent, excusez-moi, je vais être un peu vulgaire, mais c'est la vérité de la situation. Il me dit, mais parce que les filles qui lisent, en fait, à mon avis, elles sont frustrées. Ce sont que des mal-baisées. Donc, en fait, ça marchera jamais. Alors je l'ai un peu pris pour moi. À qui vous parlez là?

Et là je dis OK, alors bon, je crois qu'on ne va pas pouvoir travailler ensemble, je vous laisse le marché des clubs échangistes, je vais m'occuper du marché des mal-baisées, je pense que je suis gagnante. Et quand je suis sortie de ce rendez-vous-là, je me suis dit OK, en fait, le seul moyen d'aller au bout, c'est aussi de fabriquer le toy, et comme ça je vais le faire comme je veux.

Et voilà ce qui a rendu effectivement l'aventure entrepreneuriale beaucoup plus complexe et qu'elle a pris un autre dimensionnement. Mais voilà, je referais l'expérience aujourd'hui. Enfin, je relancerai la boîte aujourd'hui. Je n'aurai pas de problème à trouver des toys connectés. Et parce que ça serait différent.

Patrick : Oui, ça serait différent.

Christel : Et surtout que l'idée que je portais déjà, je pense, elle est toujours valable. Malheureusement, il y a peu de gens qui réfléchissent comme ça. À un moment donné, il va falloir arrêter de se dire que les points de valeur, il faut aller les chercher. Le fait de sortir des nouveaux modèles tous les six mois, c'est mauvais sur la planète.

Par contre, là où on a affaire, c'est qu'on peut créer des écosystèmes de services et qu'avec un même toy, il pourrait servir à 10 expériences différentes avec de la vidéo, avec de la musique, avec des jeux interactifs. Peu importe, il y a encore plein de choses à imaginer. Et de se dire que c'est sur le contenu et c'est sur les expériences, parce que c'est ça qui fait la valeur, qu'on va aller chercher des nouveaux clients et du business. On n'est pas encore là, mais c'est vrai que je referai pareil aujourd'hui. Je garderai cette idée-là et j'irai me synchroniser avec tous les toys.

L'éducation et le rapport à la sexualité

Patrick : Avant de continuer Christel, on va faire un petit focus sur ça, parce que je veux vraiment qu'on se rende compte de la palette de compétences que vous avez dû affronter, parce que tout à coup, lancer un projet, un produit avec de l'industrie, etc. Franchement, ça veut dire que c'est des compétences hyper diversifiées, sans oublier tout le côté administratif, juridique d'une société, tout ça. Mais moi, ce que je voudrais qu'on évoque avec vous, c'est l'éducation par ailleurs. Quelle éducation vous avez reçue par rapport à votre rapport à l'érotisme, à la sexualité, etc. ? Comment ça vous est venu ? Est-ce que vous en avez parlé autour de vous, avec vos parents même ? Comment ça s'est fait ça ? Parce qu'on reçoit tous une éducation plus ou moins d'ailleurs prude, pas prude, etc. Mais j'imagine que ça a eu un impact chez vous. Quelle sensibilité comme ça vous est venue ?

Christel : Alors moi, je n'ai pas eu des parents qui m'en ont parlé beaucoup. Par contre, j'ai eu des parents qui m'ont donné des bouquins en me disant voilà, tu lis. Comme ça, le sujet n'était pas forcément tabou si tu as des questions.

Patrick : Donc je pense que c'était le premier niveau. Mais en tout cas, il y a des parents qui sont plus ou moins ouverts par rapport à la découverte de la sexualité, etc. Donc, c'est vrai que là, au moins, il y a les livres là. Déjà les livres.

Christel : Et puis après, je pense que moi, je dis toujours que vraiment au démarrage, c'est que la lecture a changé ma vie. Mais vraiment, je me souviens du moment où j'ai appris à lire et où je me suis dit, oh là là, plus jamais de ma vie, je vais m'ennuyer. Parce qu'à partir du moment où on lit, on est autonome, on a une indépendance. Et donc, mes premiers bouquins, c'était les BD et autres. Et très rapidement, je me suis rendu compte du potentiel de la lecture. Donc, je comprenais qu'on pouvait apprendre dans les bouquins. Je comprenais qu'on pouvait rire parce que j'avais lu des Gaston Lagaffe.

Et puis un peu plus tard, un peu par hasard, j'ai lu La Bicyclette Bleue. Et là, tu tombes sur une scène hyper érotique. Et là, tu commences à sentir que dans ton corps, il fait chaud. Donc les mots, voilà le pouvoir des mots. C'est vivant. Les mots sont vivants. Ça crée des émotions. C'est pas seulement un imaginaire, c'est que les sensations, on passe aux sensations issues de mots. Donc ça, c'est ça qui est une révélation.

Patrick : Oui, je suis d'accord.

Christel : Et plus tard, je lis le parfum de Patrick Süskind et là, je me rends compte qu'il décrit l'odeur de la violette et je sens la violette. Et là, je me dis effectivement, le pouvoir des mots est extraordinaire. Et c'est quelque chose qui est resté vraiment toujours en moi. Et donc, j'ai lu après d'autres bouquins de littérature érotique parce que j'ai trouvé aussi des femmes très engagées, dont une deviendra la marraine de B-Sensory plus tard. Et donc, c'était quelque chose qui était très ancré en moi. Voilà, c'était quelque chose qui était comme ça.

Mais ce qui avait vraiment été le déclencheur, c'est que quand j'ai commencé à avoir cette idée-là de B-Sensory, j'ai été une femme de 40 ans, non ingénieure, dans un milieu tech. Je portais un projet de recherche et je parlais de plaisir féminin. Waouh ! Et là je me suis rendue compte. C'est le combo, c'est le super combo, c'est vraiment la totale. J'ai découvert et j'ai vécu des relations et des situations que je ne pensais pas vivre de toute ma vie avec des hommes. Certes, il y a eu plein d'hommes formidables qui ont soutenu le projet. Je le dis tout de suite. Mais il y en a aussi eu qui ont vraiment dépassé les bornes. Et là, je me suis dit mais pourquoi ? Pourquoi certains sont si agressifs ? Pourquoi ça provoque ça ?

Patrick : Exactement.

Christel : Je me faisais insulter sur les réseaux sociaux. Pourquoi ? Certains me disaient à ton produit, il est génial, mais on ne t'aidera jamais parce qu'on n'a pas envie de se tirer une balle dans le pied. Mais en fait, mais pourquoi ? Ça veut dire quoi en fait ? C'est ça.

Patrick : Exactement.

Christel : Et à ce moment-là, je me suis posé la question du féminisme et j'ai découvert effectivement la dimension extrêmement politique de l'intime. Et donc, j'ai beaucoup lu, beaucoup lu. Je me suis beaucoup questionnée là-dessus, ce qui fait que l'entreprise, elle était innovante, mais elle est devenue aussi extrêmement militante sur toutes ces questions-là. Et je me suis vue devenir très alignée aussi parce que j'avais deux filles et que je me dis que ce n'est juste pas possible de continuer là-dessus et de voir à quel point la sexualité, on reproduit des schémas patriarcaux et qu'il faut en sortir parce que tant qu'on n'en sortira pas et tant qu'on n'est pas capable de changer dans notre intimité, on ne changera pas la société.

Patrick : D'accord. Et vos filles ont quel âge ?

Christel : Alors maintenant, elles ont 25 et 21 ans. Et je leur en ai parlé, effectivement, avant de me lancer, en disant comment vous allez le vivre. Je pense qu'elles m'ont répondu sans vraiment se rendre compte de l'impact que ça pouvait avoir. C'est cool. Parfois, elles ont été gênées, mais globalement, leurs copains, c'était plutôt "ta mère, elle fabrique des toys, c'est plutôt cool".

Patrick : D'accord, il y avait ce côté plutôt cool. Vous-même, éducation autour de ça, esprit d'ouverture, j'imagine, vous leur avez passé des livres à elles aussi ?

Christel : Je pense que j'étais une maman très différente du fait d'entreprendre dans ce secteur et de devoir affronter tout ça. Ça m'a sans doute rendue beaucoup plus libre, ça m'a fait leur passer des messages, ça m'a fait aussi prendre conscience de la violence dans laquelle ils étaient élevés par rapport à la sexualité, des images porno, des critères qu'ils avaient, ce que les mômes de 16 ans attendaient d'une fille en termes de pratique. Ce n'était pas du tout ce que nous, on rentrait dans une sexualité où on était maladroits ensemble, on découvrait ensemble. Là, c'est tout de suite des pratiques qui ne sont pas celles par lesquelles on devrait commencer.

Donc c'est vrai que ça ne m'a fait que me conforter dans le fait que c'est ce que je portais avait du sens au-delà du plaisir. C'est parce que dans la sextech, on s'intéresse évidemment au plaisir, mais aussi à l'éducation et à la santé. Et je trouvais que c'était vraiment important pour qu'ils se construisent aussi différemment. Donc à un moment donné, c'est de dire, ce n'est pas ce que vous voyez, ce n'est pas la vraie vie. C'est de les accompagner et de dire, c'est toujours pareil, il y a des ressources. Et c'est un conseil que je donne aux parents. On n'est pas forcément à l'aise pour parler de la sexualité avec ses enfants. Mais aujourd'hui, il y a suffisamment de ressources. Et même envoyer un petit message, même par écrit, à son gamin en lui disant, écoute, voilà, c'est un sujet. On n'est peut-être pas à l'aise pour en parler, mais si tu veux en parler à quelqu'un, si tu as besoin de voir quelqu'un, si tu as besoin d'avoir des réponses, si tu as besoin, le sujet, ce n'est pas tabou. Il faut dire, c'est naturel, c'est la vie.

Patrick : En fait, c'est extraordinaire. Mais c'est vrai, Christel, que je me revois, je me reconnais vraiment dans ce que vous dites. Moi, j'ai l'âge que j'ai, plus de cheveux, donc on peut soupçonner que j'ai déjà un peu pour la gueule. Mais c'est vrai que moi, je me reconnais dans exactement ce que vous dites. C'est-à-dire qu'à notre époque, à mon époque, la découverte de la sexualité et de l'amour et de la relation, c'était un apprentissage à deux, une découverte, une exploration. Et c'était pas du tout des tacts pornographiques imposés d'actes ou de comportements ou des trucs qui sont extrêmement violents.

C'est vrai que là, maintenant, en plus, avec des développements de supports images, les réseaux Insta, etc. Il y a un truc qui continue d'ailleurs à me choquer régulièrement là. Sur Instagram, je trouve incroyable le niveau d'image de nudité qu'on arrive à pousser sur Instagram. C'est un truc inimaginable. Alors Instagram et d'autres, je prends celui-là et je trouve que c'est vrai que ce rapport à l'image, on est submergé d'ailleurs. C'est un truc assez fou. Et donc, c'est vrai que désormais, l'éducation, le problème, c'est qu'elle est poussée par ces images-là et ces pratiques-là qui ne sont pas la vraie vie. C'est n'importe quoi d'avoir des enfants qui ont un premier rapport à leur sexualité qui est, je dirais, posé par ces images-là ou ces pratiques-là. C'est fou.

Christel : C'est comme ça que ça commence pour les jeunes. Je crois qu'il y a 80% de la classe d'âge des moins de 11 ans qui a déjà vu des images pornographiques. On sait, ça peut choquer, ça peut faire des dégâts sur une vie entière. Mais encore une fois, aujourd'hui, en France, c'est toujours une espèce de jeu de... de dupes où, en fait, on se dit que pour les protéger, il faudrait juste interdire. Non, ça ne marche pas. Aujourd'hui, ce qu'il faut faire, c'est accompagner. En fait, c'est expliquer, c'est donner d'autres ressources, d'autres choses à voir. Et puis aussi, ne pas mettre tous les pornos dans la même catégorie, parce qu'il y a aussi des gens qui font du porno éthique et qui montrent d'autres sexualités beaucoup plus proches de la vie réelle, avec une multitude et une variété de corps qui mettent en avant le consentement.

Patrick : C'est comme la pornographie. Ça n'existe pas. C'est comme les jeunes en général. Notamment, je crois qu'il y a un mouvement de femmes réalisatrices qui se sont mis à avoir une approche d'un porno qui est vraiment avec un autre regard, une autre approche en tant que femmes réalisatrices.

Christel : Le problème, c'est que tous ces contenus-là qui sont bien faits sont des contenus qui sont payants et ce n'est pas ce qu'on trouve de manière gratuite sur les tubes. C'est toujours le problème aussi de l'accès. Et c'est pour ça qu'à un moment donné, il faut vraiment qu'on aille au bout de cette idée de donner une éducation à la sexualité de qualité et gratuite, parce que sinon, c'est comme tout, à partir du moment où l'argent permet des choses, c'est une éducation à deux niveaux, c'est une santé à deux niveaux. Tout est comme ça. Et c'est fondamental.

Encore une fois, beaucoup de gens ne voient pas vraiment cette dimension vraiment structurante et politique de la sexualité. Mais aujourd'hui, on voit à quel point, par exemple, l'éducation genrée fait des dégâts. Si aujourd'hui, on peut aller très loin, mais la masculinité toxique, moi, j'essaie beaucoup de faire des conférences pour montrer aux hommes tout ce qu'ils ont à gagner, à sortir aussi du patriarcat, des injonctions que les hommes aussi ont à être dans la performance, à être forts. Les hommes se suicident trois fois plus que les femmes. En tant que féministe, ça ne me réjouit pas. Juste parce qu'un homme, ça ne craque pas, ça ne parle pas, ça ne s'occupe pas de sa santé mentale. C'est complètement stupide. Un homme n'aurait pas le droit d'être dans la vulnérabilité. Un homme n'aurait pas le droit de pleurer. Il y a plein de choses qui...

Patrick : Dans une certaine forme de fragilité aussi.

Christel : Exactement. Et ça, c'est dès l'enfance où il faut arrêter de sortir des codes en disant, moi, mon genre ne détermine pas que je dois être gentil ou performant. On sait maintenant, on sait les impacts que ça a.

Patrick : Ce que vous racontez, Christel, c'est qu'en fait, on est dans des dictacte de sociétaux, en fait. C'est de l'anthropologie. C'est que effectivement, il y a ce comportement-là. Ça touche d'ailleurs d'autres sujets que la sexualité ou que l'érotisme. C'est qu'on est vraiment dans des choses qui sont imposées par, effectivement, des années et des années d'organisation de société, de, comme vous dites, de paraître, de politique aussi. Et ça fait des ravages, c'est vrai.

D'ailleurs, il y a des sujets auxquels vous avez été évidemment confrontés et on sent très bien qu'il y a quand même une espèce de... Est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à de l'hypocrisie ? Oui sûrement. Un truc qui est radical dans le secteur dans lequel vous évoluez, c'est la partie des banques. Mine de rien, les banquiers que vous avez été voir, j'imagine, j'ose même pas d'ailleurs, vous allez nous raconter, mais ça va cristalliser toute cette hypocrisie du mécanisme. Parce que mettre en place des systèmes de paiement et quand vous êtes sur, quand vous lisez les conditions générales de vente des banques, vous demandez des kits de paiement, etc. Il y a écrit en petites lettres là que non, ils ne couvrent pas tel et tel secteur, etc. Et notamment le secteur de la Sextec. On voit bien ici une hypocrisie rampante, catastrophique. C'est horrible.

Christel : La première banque que j'ai vue pour déposer les fonds pour créer la start-up m'a dit là, on peut vraiment pas, alors on accepte, mais on ne peut pas vraiment vous aider, parce que vous comprenez, ce n'est pas politiquement correct. Cette banque, à l'époque, était condamnée pour embargo, pour des financements, des paradis fiscaux et autres. Je veux dire, le financement des armes et des paradis fiscaux, ça, ça va. Mais par contre, c'est vrai que le sextoy, c'est une arme tellement dangereuse. Et après, il m'avait dit bon, mais si un jour ça marche, on vous aidera. Mais le jour où ça marchera, je n'aurai plus besoin de vous.

Patrick : Au secours, au secours, au secours. C'est horrible. C'est horrible d'écouter ça. C'est vrai que c'est un peu le sujet. C'est un peu le sujet. D'ailleurs, on va revenir de ça là-dessus. C'est que Christel, moi, ce qui m'intrigue et qui force mon admiration, c'est que quand vous décidez d'être d'être entrepreneur, mais en fait, vous, vous n'avez pas appris à être entrepreneur, c'est-à-dire comment vous découvrez tous ces sujets de monter une boîte. Est-ce que vous aviez des associés ? Vous avez trouvé des associés ? Vous êtes associé avec des gens ? Vous avez fait le côté pacte d'actionnaire ? Comment vous avez découvert tout ça, tout cet univers de la création d'entreprises et de la startup en plus ?

Christel : J'ai appris mille métiers, je pense que j'ai appris mille choses. Heureusement que j'étais curieuse et que je pense qu'il y a une grosse capacité de travail et d'assimilation de plein d'infos. Mais au départ, j'étais toute seule. Puis j'ai fait des belles rencontres, en fait. Mais je pense qu'à un moment donné, c'est ça aussi. Quand il y a un moment donné, c'est quand les planètes s'alignent. Et donc, moi, mes premiers pas dans ce projet-là, c'est que j'avais ce projet, j'avais cette idée. Je commençais à parler et un jour, je suis mentor dans un start-up weekend.

Patrick : D'accord.

Christel : Et donc je parle de mon projet et puis là il y a un petit jeune développeur qui écoute et qui me dit ah ouais mais moi je vois bien comment faire en fait une première démo. Et je dis ah oui, il me dit écoute t'es peut-être déjà minuit quelque chose, il me dit écoute va te coucher, je fais ça cette nuit et demain en fait on se reparle. Et le lendemain il avait vraiment développé une petite démo. Et je me suis dit, waouh, donc en fait, s'il commence vraiment à y avoir des solutions techniques à ce que moi, j'ai envie de faire, voilà, allons-y.

Et puis, je continue avec cette idée-là et on arrive au mois de juin et je me dis, OK, je vais aller me confronter à l'idée à un public. Et donc, je fais un concours de start-up, de pitch au Web Today à Nantes. Et je fais ce qui reste le plus mauvais pitch en anglais de toute l'histoire du webtoday.

Patrick : On peut le voir sur YouTube ou quelque chose ?

Christel : Non, non, c'est pas cherché. Mais par contre, ce qui ressort de ce truc là, c'est que je n'ai rien à l'époque. Une base de démonstrateurs, je sais que ça peut marcher, j'ai mon idée et ma bonne mine, mais je vais pitcher et le projet gagne le prix coup de cœur. Au départ, je pense qu'ils n'avaient pas du tout l'intention de me faire gagner, mais dans les tags et dans les projets dans lesquels les gens avaient le plus parlé pendant l'événement, c'était B-Sensory et c'était Little Bird. Et donc, il se passait quelque chose. Donc, je gagne ce prix et là, je commence à me dire, bon, on tient quelque chose. Là, je trouve un associé, un bon bagorin d'ingénieurs. Et ça, c'était au mois de juin.

Et au mois de septembre, La Tribune sort son journal avec un supplément sur les projets des objets connectés. On commençait juste à en parler, c'était il y a un an. Et là, le seul projet répertorié pour la France, c'est B-Sensory. Je n'en avais toujours rien. Mais il y avait un journaliste qui était là et qui écoutait ma démarche. Et là, il y a des gens qui voient l'article, qui voient le projet et qui commencent à m'appeler, en disant moi ça m'intéresse, notamment des investisseurs. Et là je me dis bon, il faut y aller. Donc en fait j'y suis allée, j'ai tout découvert au fur et à mesure, mais j'y suis allée parce que c'était la convection d'une idée en me disant je sais pas jusqu'où je vais aller, mais par contre je veux le faire parce que j'aurais plus de regrets à ne pas le faire que de prendre le risque d'y aller et de me planter et donc allons-y.

Patrick : Christel, quel est votre environnement à l'époque au niveau prise de risque ? Parce que vous allez quitter quelque chose, peut-être un emploi, etc. Des revenus. Donc il y a aussi le saut dans le vide de créer la start-up et partir sur ce sujet-là. A l'époque, vous êtes dans quel genre de situation ?

Christel : Je fais partie des gens qui ont pu, certains diront profiter du système, mais en tout cas j'avais quelques mois de chômage rémunéré devant moi.

Patrick : Pôle Emploi, le premier investisseur de France. C'est le premier investisseur de France. Tant mieux, tant mieux. Il n'y a pas de profiter ou pas profiter. Il y a que vous avez travaillé auparavant en étant salarié, vous avez acquis des droits et vous les avez utilisés à bon escient. C'est parfait. D'ailleurs, souvent, les dangers qui qui guettent souvent les entrepreneurs, c'est qu'ils ne se rendent pas compte de la vitesse nécessaire à exécuter le projet. Et en fait, en se disant, ça va, j'ai le temps, j'ai deux ans, entre guillemets. Et en fait, ben non, parce que les mois de prise en charge de chômage disparaissent comme neige au soleil. Et souvent, on se retrouve à la fin en disant, là, il faut vraiment que j'accélère.

Christel : Oui, mais il y a une inertie. En fait, les gens pensent que ça va vite, mais il y a une inertie énormissime sur le montage d'une société avec des difficultés qu'on ne soupçonne pas. C'est quand même heureusement qu'on ne se rend pas trop compte, mais c'est vrai que ça ne va jamais aussi vite que ce qu'on aimerait. Et puis, à l'époque, j'étais aussi mariée et donc j'avais la chance d'avoir un conjoint. Après, c'est aussi une aventure qui m'a fait beaucoup changer, qui a fait au bout d'un coup aussi exploser cette... Parce que c'est compliqué d'avoir un conjoint qui se lance dans ces aventures-là. Il faut pouvoir le porter.

Patrick : C'est difficile, bien sûr. L'histoire de tous les entrepreneurs, c'est qu'effectivement, on parle souvent de la solitude de l'entrepreneur, parce que même quand on est en couple, et dans votre cas marié, ce n'est pas pour ça qu'on n'est pas seul en tant qu'entrepreneur. C'est des sujets extrêmement compliqués, avec des phénomènes de résistance au stress, à la prise de risques qui ne sont pas naturels, loin s'en faut. Et donc, oui, ça met souvent en difficulté des vies, une vie de famille, etc. Vous n'aviez pas d'enfants encore à l'époque, si ?

Christel : Si, j'avais déjà mes deux filles.

Patrick : Ah oui, vous aviez déjà les deux filles, d'accord.

Christel : Je pense qu'il faut être vraiment conscient. Je crois que c'est ça de ce que je disais. Je pense que tout le monde peut avoir des idées, mais tout le monde, effectivement, ne peut pas être entrepreneur. Et quand je dis ça, c'est vraiment qu'on ne se rend pas compte de ce qu'il faut encaisser. L'ascenseur émotionnel, il est...

Patrick : Ce n'est pas moi qui vais vous dire le contraire, Christel. Je considère que tout le monde ne peut pas devenir entrepreneur. Mais je pense qu'à un moment donné, il faut dire à certaines personnes et que ce n'est pas grave en fait, parce que je ne suis pas capable d'avoir cette pression de comment je vais payer les gens à la fin du mois, comment je résiste à tout ça, parce qu'il n'y a aucun projet et aucun boulot qui mérite qu'on y laisse sa santé et sa peau. Donc, à un moment donné, il faut aussi dire non, peut-être que ça ne me convient pas, je ne suis pas malheureux, je me mets en danger, ça ne sert à rien.

En plus, j'en parlais tout à l'heure, j'y faisais allusion. Encore une fois, pour ma part, je n'ai jamais créé de start-up avec des produits, mais pour le coup, j'ai côtoyé, j'ai bourlingué, notamment jusqu'en Chine. H&N et sur les objets connectés. Et donc je sais vraiment ô combien il est extrêmement difficile de mettre sur le marché un produit industriel qu'on va sortir en ce qu'on appelle en série. Il y a toutes les phases de prototypage, c'est une chose, mais le passage à l'échelle, la fameuse scalabilité en anglais, c'est quelque chose qui est extrêmement difficile, sans compter qu'il y a des disciplines industrielles à part entière, la logistique, le transport, les matériaux. Je ne vous parle même pas de la qualité, vous allez vous nous en parler parce que c'est un sujet. Donc, en fait, c'est vrai qu'il y a un rapport de difficulté de 1 à 1000 entre faire un petit logiciel, un petit truc. Alors là, maintenant, avec les IA, je n'en parle même pas. Avec les IA, aujourd'hui, on arrive à produire du code, des applis, des choses hyper facilement. Je peux vous dire que, et Christel, vous en êtes témoin, le produit industriel, on ne joue pas dans la même cour. C'est le karting par rapport à la Formule 1. Ce n'est pas pareil. Ce n'est pas les mêmes échelles de coûts, parce que rien qu'un moule, on n'a pas commencé à travailler, mais un moule pour faire de la plasturgie, c'est 50 000 euros. Il fait qu'avec 50 000 euros, on fait une app et on a un business. Avec 50 000 euros, on a un moule d'un toy, mais on n'a toujours rien à vendre. Il faut la carte électronique, le design. Non, c'est des investissements qui sont énormes. Et moi, je me suis plantée en partie parce que j'ai fait ce choix stratégique de vouloir faire un sextoy made in France. Et donc, et on ne sait pas...

Patrick : Sur toute la chaîne ? Christel, sur toute la chaîne, vous vouliez que tout soit en France ?

Christel : Idéalement, j'aurais voulu, mais sur la phase de surmoulage de silicone, je n'ai pas trouvé. Donc, en fait, j'ai travaillé avec un plasturgiste français qui, pour cette partie-là vraiment spécifique, travaillait toujours avec la même usine en Chine en me disant, au moins, mais il faisait toutes les coques en ABS et tout ça, tout était fait en France. Bien sûr, tous les composants des cartes électroniques étaient importés, on ne fabrique pas de composants en France, mais les cartes électroniques, elles étaient faites, elles ont été designées en France, elles ont été faites en France du côté de l'eau. Donc, tout l'assemblage d'antennes Bluetooth, tout était fait en France. Donc, tout l'intérieur, les coques étaient faits ici, l'assemblage, et on envoyait en fait le produit juste en Chine pour le surmoulage. Et pareil, on s'était dit, on va prendre une entreprise qui travaille toujours avec la même entreprise pour essayer d'éviter les problèmes. Et puis, non. Et puis, on a eu quatre productions à suivre qui ont été pas bonnes. Alors, effectivement, on sait que passer du prototypage à l'industrialisation, c'est ça. Donc la première, ils ont surmoulé les toils trop chauds, donc les antennes Bluetooth étaient cassantes, donc les toils sont arrivés mais ils ne marchaient pas. La deuxième fois, on a eu vraiment du sabotage, toutes les antennes Bluetooth ont été coupées avant le surmoulage et donc quand les toils sont arrivés, ils ne marchaient pas. Après, ils les ont faits mais ce n'était pas la bonne couleur, ils étaient transparents, ils étaient quasiment invendables. Et puis après, la dernière fois, c'est la personne qui fabriquait les antennes Bluetooth en France qui les a faites trop courtes, donc elles ne rentraient pas dans le moule. Donc une fois partie en Chine, impossible de faire. Et donc là j'arrive à un moment donné où moi j'ai plus de cash parce qu'il faut savoir que quand on est à Star Trek, on vous demande de payer 80% à l'avance, on ne vous demande pas de payer à la réception. Il faut avoir beaucoup de trésorerie et au bout de quatre productions comme ça, tu perds, et c'est normal, la confiance des investisseurs et surtout la confiance des distributeurs qui attendent ton produit pour le vendre.

Patrick : Le pire dans tout ça, c'est que potentiellement il y a une demande, il y a de la demande, il y a de la commande potentielle, mais vous n'avez pas les produits à vendre. C'est horrible !

Christel : On était revenus du CES avec, encore une fois, je resterai humble, je ne dis pas qu'on aurait bouclé les deals dans tous les gens qu'on avait rencontrés, mais on avait rencontré des distributeurs pour 23 pays différents. Encore une fois, je suis très...

Patrick : Avec des lettres d'intention, avec des lettres d'intention, des précommandes, des choses comme ça.

Christel : Sur le CES, tu n'as pas le temps de faire des lettres d'intention, mais des gens qui passent, qui te donnent leurs coordonnées et des rendez-vous que tu cales pour reparler. Mais pour nous, c'était déjà un signal parce qu'on était quand même en amont d'avoir le produit. C'était de se dire, est-ce que ce produit, il a une traction ? Parce que c'est cette traction aussi qui fait que quand tu rentres en France, tu peux dire, on a besoin de lever de l'argent et il y a des gens qui attendent le produit. Donc, c'était vraiment un bon signal.

Après, c'est vrai que j'avais pris le parti de se dire, c'était ma réflexion du départ, peut-être que j'avais tort aussi. Je préférais faire un tour en France et prendre moins de marge sur le toy parce que moi, mon vrai business, c'était de vendre les contenus, c'était de vendre les histoires interactives. Et donc, c'était un choix stratégique. Après, c'est vrai qu'on voit les distributeurs sur les toys, ils font quand même beaucoup de marge. C'est pour ça qu'ils continuent à acheter des toys pas chers ou ils refont des marges qui sont quand même énormes. Peut-être que le marché n'était pas prêt à ça non plus. Encore une fois, je n'ai pas la prétention de dire que si tout avait été bien dans la prod, aujourd'hui, j'aurais réussi. Par contre, il y avait quelque chose qui était très frustrant dans cette histoire, c'est que j'ai toujours dit que j'aurais préféré avoir un entrepôt plein de toys, que je n'arrive pas à vendre. Et je me serais dit, c'est une idée à la con, plutôt que de rester là.

Patrick : Alors que là, vous n'avez pas réussi à obtenir le produit fini, en fait. C'est ça ?

Christel : On en a eu, si si, on en a eu quelques-uns, mais vraiment pas assez. Et en fait, il s'est trouvé que dans le long terme, il y avait beaucoup trop de problèmes avec la connexion Bluetooth, avec la manière dont ils avaient été faits.

Patrick : D'accord. C'était pas gérable. Mais par contre, il a été très vite copié et il s'est très bien vendu partout dans le monde. Il s'appelle le Lush de Lowends. Et voilà, la catastrophe.

Patrick : Et en plus, Christel, vous n'aviez pas protégé ou déposé du brevet ou de l'INPI ou de la propriété industrielle ou autre sur le concept ?

Christel : Bien sûr que si, dans 27 pays européens. Oui, mais vous n'aviez pas les moyens de vous défendre, peut-être, après. Et quand tu rencontres les gens, tu te dis mais c'est bien parce qu'en amont, on est quand même dans un pays fabuleux, c'est-à-dire qu'en amont, on trouve de l'argent dans les start-up, on considère qu'elles ont de la valeur. Elles ont un produit, on leur demande de payer pour se protéger. Et puis après, quand tu dis mais attendez, vous allez m'expliquer.

Moi, j'ai un produit qui est fait en France, un marquage CE, mais il y a une copie qui arrive. Elle fait trois jours pour faire Shenzhen et arriver en France via l'Allemagne. Et en fait, c'est une copie. Donc j'ai une attestation d'un avocat qui dit qu'effectivement, oui, c'est bien une copie avec l'antériorité. Mais une fois que tu es un peu en difficulté, qui t'aide ? Les avocats, ils se disent, on ne va pas être payé. Tu dis, mais comment tu fais un contrôle aux frontières ? Mais tout le monde s'en fout. Et en fait, il y a quelque chose qui ne marche pas. Tu dis, et à la fin, quand tu te plantes, on te dit OK, alors en amont, tu avais élevé 500 000 euros, tu étais valorisé 1,5 million. Puis quand tu te plantes, on te dit, essentiellement du numérique, votre capital et votre valeur immatérielle, ça ne vaut rien. Ça ne vaut plus rien. Mais expliquez-moi, en fait, c'est un désastre que moi, j'ai toujours dit, mais pourquoi il n'y a pas une espèce de bourse aux technologies ? Moi, toute la partie plateforme, a été financée avec de l'argent public, elle aurait dû resservir à d'autres parce qu'elle pouvait faire... Mais en fait, on n'a pas cette logique-là. Pour ça, je suis très en colère entre guillemets. Il faut arrêter de dire qu'il faut faire du Made in France. Ça peut se comprendre. De protéger les gens qui se donnent la peine de le faire.

Patrick : Ça va durer trois ans, quatre ans ?

Christel: Ça dure 4 ans.

Patrick: 4 ans, c'est long. C'est-à-dire que 4 ans, corps et âme, que les difficultés, les montagnes russes à affronter comme ça, franchement, c'est long. Et effectivement, je peux sentir et reconnaître votre sentiment d'abandon. Moi, j'ai échoué quelques start-up aussi. Je connais bien le sujet et c'est vrai que c'est catastrophique. C'est-à-dire qu'on ne se rend pas compte, comme vous dites, du gâchis des aides et subventions, de l'outil industriel. C'est vraiment horrible. Moi, j'ai été confronté comme vous un petit peu à un problème juridique où je ne pouvais pas payer, je ne pouvais pas financer ma défense en fait. Et ça, c'est encore plus frustrant, enrageant. Parce qu'on se dit, attendez, ne bougez pas. En amont, oui, on a protégé, on a bidule, etc. Et en fait, maintenant qu'il faudrait actionner et potentiellement d'ailleurs rentrer dans ses frais, on n'a plus les moyens d'activer les avocats et le truc. Donc c'est d'une frustration extrême. C'est un manque de considération.

Christel: C'est vrai que moi, on a eu des constats dissuadés. On a demandé au plasturgiste de faire marcher ses assurances. Il n'a pas voulu. On a le mec qui a fait les antennes et qui s'est complètement foiré, qui nous a vraiment plombé en dernière limite, qui est pourtant un membre du CJD, qui est soi-disant ISO 9001, donc d'une certaine qualité et tout. Il m'a juste dit, ah bah oui, effectivement, j'avais pas le temps de vérifier les antennes avant de les envoyer en Chine parce que je partais au ski. J'ai dit ouais, c'est bien. Mais là, en fait, c'est une boîte de huit personnes qui coule. Et en fait, à l'époque, ils n'ont pas cru au projet. En fait, quand je vois aujourd'hui le nombre de Lush qui sont vendus partout dans le monde, je me dis, j'espère qu'ils ont quelques regrets parce que même eux, pour leur business, je pense qu'ils avaient un projet qui pouvait potentiellement leur faire gagner beaucoup d'argent, encore une fois. Mais il n'y a pas de considération. C'est des petits. Et le mec, il me dit de toute façon, attaquez-moi et puis on se reverra dans deux ans. Et de toute façon, dans deux ans, vous serez mort.

Patrick: C'est ça exactement. Qu'est-ce qu'on fait ? On ne peut pas rien faire. C'est vraiment la partie horrible de l'entrepreneuriat que là vous avez vécu de plein fouet. Alors ça me fait penser à quelque chose. Christel, vous aviez dit que vous aviez à l'époque un associé, c'est ça ? Ce que je comprends, c'est que c'était un associé plutôt côté tech, ingénieur ? C'est ça.

Christel: Et en fait, à vous écouter là, ce dont je me rends compte, alors évidemment, après la guerre, c'est facile. C'est facile de dire ça, mais c'est vrai qu'en gros, vous étiez seul sur le côté stratégie, finance, gestion de l'entreprise, en fait. Votre associé, il était tech ? Non, non, il est hyper câblé. Non, non, il est la gestion. On était extrêmement complémentaires, il était presque plus business. Les BP, c'était vraiment lui. Oui, il maîtrisait les chiffres. Je suis plutôt d'aller essayer le storytelling, d'aller chercher les gens. J'avais un très bon binôme, c'était un associé extraordinaire. Et j'avais aussi une équipe extraordinaire, franchement, qui m'a accompagnée jusqu'à la fin. Et je crois que c'était mon plus gros rêve-cœur, le jour où tu dois t'arrêter. Alors eux, ils ont un plan, ils ont deux ans plutôt bien parce qu'on est passé en liquidation, mais c'est du jour au lendemain, c'est de dire ok, ces gens-là que t'aimes vraiment parce que c'était une formidable aventure humaine, ça s'arrête. Et du jour au lendemain...

Patrick: Vous avez passé quatre ans ensemble quoi.

Christel: Quatre ans ensemble avec des moments durs, avec vraiment des up and down et après tu dis wow, donc du jour au lendemain, t'as plus d'équipe.

Patrick: Et Christel, je m'interroge d'une chose. Est-ce qu'il n'existe pas à ce moment-là, dans le tissu industriel, des acteurs plus gros qui pourraient jouer leur rôle de contre-pouvoir, de vous aider, etc. ? Non, quand on est une petite start-up comme ça, industrielle, où on manque de moyens et autres, il y a quand même des acteurs industriels majeurs qui auraient pu, je dirais, jouer un peu leur rôle de grands frères, économiquement parlant. Vous avez pu rencontrer, échanger comme ça avec des acteurs industriels plus gros pour peut-être essayer de revendre le truc ou faire une reprise ou quelque chose comme ça ?

Christel: Une fois qu'on est en liquidation, il ne faut plus trop s'en mêler. Mais par contre, avant d'en arriver là, j'ai passé plusieurs mois de négo avec Dorcell.

Patrick: D'accord.

Christel: Notamment en leur disant puisque vous avez un discours qui est on veut féminiser notre clientèle. Moi, je pense que j'ai le bon projet pour. A priori. Ça a été plusieurs mois de négo où ils nous ont fait miroiter des choses pour ne rien faire. C'est comme ça. Et pour à la limite reprendre à la barre ou après les choses. Ils n'ont pas repris à la barre, vous savez, parce qu'en fait, c'est un projet qui était, on l'a vu, qui était trop complexe, c'est-à-dire que, parce que non seulement il y a l'outil, mais il y avait la création de contenus. Et donc, en fait, ce que je disais, il fallait être à la fois, il y avait la R&D, il fallait être maison d'édition, il fallait être fabricant de toy, il fallait donc, à date, personne ne voulait reprendre la totalité.

Patrick: Vous, Christel, vous aviez pour le coup un département, on peut appeler ça comme ça, qui s'occupait justement de l'écriture, d'écrire les histoires et tout ça. Donc il y avait vraiment la partie contenu et la partie tech, objet et tout ça.

Christel: Oui, on avait un directeur éditorial et on avait réussi à avoir 70 auteurs sous contrat pour créer des des histoires spécifiques. Au départ, quand même, ma passion, c'est les mots. Et donc, l'idée, c'était de se dire aussi comment le fait d'avoir un toy associé influe sur la narration. Et donc, c'était de dire on ne va pas écrire la même chose, on ne va pas écrire une histoire de la même manière si on sait qu'il y a cette interaction-là avec le toy. Et donc, c'était aussi intéressant et c'était très intéressant pour les auteurs de se mettre dans cette posture en disant voilà comment j'écris des histoires et comment je vais jouer, de savoir qu'à certains passages, ils peuvent être beaucoup plus vibrants et voilà, donner encore plus de plaisir. Il y avait vraiment aussi ce projet de recherche sur comment aussi la technologie influe sur l'écriture et sur la manière de penser les histoires.

Patrick: D'accord. À l'époque, quand ça arrive, on est en 2018, la fin, c'est ça, la 2018. Il n'y avait pas encore les nouveaux acteurs français qui sont arrivés après, c'est ça ? Parce qu'il me semble qu'après, il y a eu des lancements de produits nouveaux, des toys qui sont arrivés. C'était un petit peu après qu'ils sont arrivés ? C'était pas là ? C'était pas à ce moment-là ?

Christel: Ouais, c'est à peu près 2018. La sextech a vraiment connu une forte mutation après Me Too parce qu'il y a énormément de femmes qui se sont appropriées et tant mieux, et qui ont été les relais de cette idée que les femmes doivent être aussi autonomes en termes de plaisir et que le plaisir féminin compte autant que celui des hommes, et qu'à défendre cette idée du sex-powerment et de l'empouvoirment par la sexualité. Donc on a eu des très belles marques qui sont arrivées en France, comme Mues Puissante qui avait la première à vraiment réussir une grande campagne de crowdfunding. Et il y a eu énormément de femmes qui ont dit toujours, la tech, c'est très masculin. Mais si vous regardez du côté de la femtech ou de la sextech, chez sextech for good, par exemple, c'est 70% des membres sont des femmes parce que les femmes se sont dit, on arrête d'attendre que les hommes fassent des produits qui nous correspondent. On va les faire nous-mêmes et on va s'intéresser à tous les sujets. Je pense pour la femtech, les règles, l'endométriose, le SOPK et sur le plaisir, c'est pareil. On va faire des produits dont on a envie et pas ceux que les mecs pensent dont on a envie, ce qui est parfois très...

Patrick: Ça me paraît. Somme toute assez logique. Je pense que qui mieux qu'une femme sait ce qu'elle veut et ce dont elle a besoin ? Je pense que c'est pas mal dans ce sens-là. C'est clair. Et donc moi, c'est pour ça que quand j'avais traversé, parce qu'effectivement, ça a été très, très compliqué. Et quand le projet s'arrête, c'est toujours la question du rebond et de l'échec. Qu'est-ce que j'en fais ?

Patrick: Oui, c'est ça.

Christel: On commence par être très, très mal. Ça, c'est sûr. On passe, je pense, tous par ces moments-là. Et puis après, il faut trouver du sens à tout ça. Et moi, je me suis dit OK, je peux pas. Je peux pas avoir traversé tout ça pour rien. Et donc, je me suis dit, je vais créer un collectif parce que j'avais envie d'aider d'autres entrepreneurs à réussir là où moi, je m'étais trompée. Et je vois que, par exemple, au démarrage de Puissante, Marie m'appelle et je lui dis, mais surtout, surtout, surtout, Marie ne fait pas l'erreur parce qu'elle voulait faire comme moi, un secteur et MediFrance. Et je lui dis, mais surtout, ne fais pas cette erreur là. J'aimerais te dire que c'est possible, mais non. Et donc, si tu veux réussir, oublie. Elle en a reparlé plus tard, elle m'a dit, c'est vrai que c'était un bon conseil.

Moi, pour me sortir de tout ça, je me dis, je vais transmettre, je vais aider d'autres et je vais créer le collectif. C'est là que je crée le collectif Sex Tech for Good en me disant, il faut aussi que les gens comprennent qu'on est un vrai secteur à innovation et un secteur, c'est pour ça qu'on s'appelle Tech for Good, à impact sociétal, parce qu'on s'intéresse justement à l'éducation, à l'accès à la sexualité pour toutes et tous. Je pense aux seniors, aux personnes en situation de handicap. On s'adresse à des sujets d'humanité et c'est de la santé publique. Et donc au-delà du plaisir qui est déjà important d'être dans le bien-être, qu'on soit chacun bien, qu'on puisse choisir et être bien dans la sexualité dont on a envie. Voilà, c'était extrêmement... Cet engagement politique, j'avais envie de le poursuivre. C'est comme ça qu'est né le collectif qui m'anime aujourd'hui.

Patrick: Et c'est ce qui nous a permis, Christel, de remonter aussi la pente et de vous impliquer parce qu'effectivement, les ravages d'un crash, liquidation judiciaire. Moi, j'ai fait le challenge magique de créer ma première start-up et de planter, de crasher la première start-up aussi avec liquidation judiciaire et tout le tralala. Et oui, c'est d'une violence que les gens ne soupçonnent pas. C'est clair. Donc ça, c'est très compliqué. Il y a une violence, peut-être maintenant, j'espère que ça change. Je pense qu'il y a encore une violence plus forte il y a quelques années parce qu'il y a tout de suite une espèce de sentiment de honte ou de culpabilité, c'est-à-dire que les entrepreneurs qui échouent en France, ce n'est pas terrible. Et moi, je me souviens qu'à l'époque, on avait quand même beaucoup parlé du projet. Il avait été très médiatisé, évidemment. Et il y a des journalistes qui m'appelaient en disant, ben voilà, ça s'arrête. Et on me disait, je suppose que vous n'avez pas envie d'en parler, que vous devriez sans doute avoir honte. Et là, je disais, mais en fait, non, je reste fière du parcours. Je peux expliquer pourquoi. Et j'assume. Et à un moment donné, je me plante parce que j'ai pris les mauvaises décisions, même s'il y a beaucoup de gens qui ont fait des conneries et qui n'ont pas pris leurs responsabilités. Mais j'étais la chef d'entreprise, donc j'assume. Mais par contre, je reste fière du parcours. Je reste fière de mon équipe. Je reste fière de tout le chemin qu'on a parcouru. Et je ne veux pas qu'on m'enlève cette fierté-là et je ne veux pas...

Patrick: Il n'y a pas que 10 parce qu'on se plante, ça serait tellement facile de dire qu'on cache sous le tapis, qu'on cache la poussière sous le tapis. Bah non en fait,

Christel: je suis d'accord. Donc je me suis dit ok, à l'époque je me suis engagée dans les rebondisseurs français, une association pour faire beaucoup de conférences pour changer de regard sur cet échec. Un échec c'est de l'apprentissage, par contre effectivement si on reste là où on est tombé et qu'on n'en fait rien, c'est douloureux à vivre. C'est vrai que moi aider les autres était quelque chose de très thérapeutique et l'énergie du collectif continue de me nourrir et c'est ça qui fait qu'aujourd'hui je continue. C'est à ce moment-là que vous avez commencé à intervenir, faire des conférences, tout ça ?

Christel: Oui, à l'époque j'en faisais beaucoup sur le rebond, sur l'échec parce que je partageais ce rebond d'entrepreneuriat et j'expliquais pourquoi je créais le collectif Sextech for Good. Et maintenant, aujourd'hui, c'est de me dire que je n'ai plus à date de projet vraiment à moi dans la Sextech. Par contre, avec mon rôle de consultante, j'en accompagne plusieurs et c'est aussi très enrichissant.

Patrick: Ça a évolué, Christel, le tissu industriel ? C'est-à-dire que désormais, X années plus tard, maintenant, c'est un peu plus possible et faisable, « made in France » ? Ou c'est toujours, de votre point de vue, c'est toujours pas vraiment possible à mettre en œuvre, digne de ce nom ?

Christel: Zéro usine de sextoys en Europe. On a un marché de plusieurs milliards dont on accepte que 75% de la valeur soit faite en Chine ou autre, avec zéro point de valeur créé en Europe. C'est complètement hallucinant. Avec toutes les questions que ça pose, puisque c'est un des sujets qu'on défend au sein de BeSensory, enfin non, de Sextech for Good, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, on avait le plan de relance La France 2030, où on essaye de trouver des personnes vraiment côté BPI et autres. C'est compliqué de trouver des interlocuteurs qui ont envie de nous entendre en disant, donnez-nous un budget pour faire une étude, parce que tout le monde nous dit que ce n'est pas possible. Avec l'augmentation des coûts de transport et la situation politique, je ne peux pas croire que ce ne soit pas possible. Et donc, il y a cette idée de comment on pourrait faire pour avoir un outil de production qui puisse être mutualisé et qui nous permettrait aussi de réfléchir à des nouvelles normes. et qui permettrait un norme de c'est quoi un sextoy réparable, comment on travaille sur des nouveaux matériaux, et comment si on a un site de production en proximité, on peut travailler sur des marchés dits de niche, qui ne le seront pas tant que ça dans les années à venir, sur les seniors et les personnes en situation de handicap. Mais à chaque fois qu'on dit ça, c'est wow, ah oui mais vous voulez parler quand même, ah oui c'est quand même du sextoy, bah oui. Mais est-ce qu'un marché de 8 milliards, ça ne vous intéresse pas en fait ?

Patrick: Non mais alors Christel, il y a quand même un truc qu'il faut que je vous avoue là, quand je vous entends parler et qui me hérisse le poil, je n'ai plus de poils sur le caillou, mais ça me hérisse les poils. Pas plus tard qu'aujourd'hui, j'écoutais à la radio, je ne vais pas citer la radio qui parlait de ça, mais j'écoutais à la radio de manière, mais comment vous dire ça, totalement sans aucune émotion, j'entendais parler de gens qui discutait de capacité de production pour fabriquer des unités d'ogives, de bombes, de balles. Et ça parlait de manière totalement zéro émotion. On était sur des coûts de production, des marges, des bidules et comment on va faire ? Oui, oui, on est capable de balancer 1 200. Alors, c'était pas des bombes, c'était un autre terme, mais bon, peu importe, c'était des armes. Et j'ai halluciné, c'est-à-dire que j'étais en train de conduire, j'écoutais la radio et j'entendais ces hommes, c'était des hommes, qui parlaient de ça, et à un moment donné, ça m'a interpellé. Je me suis dit, mais en fait, on est en train de parler de tricot, chiffon et bidule, mais en fait, c'est des trucs qui... C'est des produits de guerre, c'est des produits de destruction de l'humanité. Ça me choque. C'est-à-dire qu'en fait, je me rends compte qu'on parle sans aucun problème de balles, de bombes, de bidules, augmenter la capacité de production, faire l'outil industriel. Mais en fait, le sextoy, ah bah non, là, non, non, il ne faut pas en parler. Ah bon ? Mais c'est hallucinant, c'est horrible.

Christel: Oui, mais ça fait bien longtemps que notre monde a choisi l'économie de la mort plutôt que l'économie de la vie. et dans à peu près tous les domaines. Et c'est pour ça qu'on dit ne pas s'intéresser à ce sujet-là, on le dit beaucoup sur nos sociétés. On a en nous deux pulsions, Thanos et Thanatos, la mort et la vie. Et aujourd'hui, on est dans une société qui a choisi la peur, le repli et l'industrie de la mort. Et tout ce qui concerne la vie, on consacre beaucoup plus d'argent à l'armement. Tout ce monde est un peu déconnant. C'est pour ça qu'on dit que la sexualité, c'est un marqueur et qu'il faut vraiment en prendre conscience. Et en plus, en ce moment, il y a beaucoup de dangers. Je ne sais pas si on aura le temps d'en parler. Il faudrait faire une autre émission. Mais je suis très, très inquiète du devenir du secteur de la sex-tech avec la situation géopolitique. C'est-à-dire qu'on voit que la journée internationale des droits des femmes disparaît des calendriers de Google et de Apple. On voit qu'on demande aux startups qui font de la santé sexuelle de stager en tant que telle. Ça veut dire que demain, notre dépendance à ces opérateurs-là, elle est de 100% sur le numérique. Donc si demain ils décident que toutes les applications dédiées aux femmes, à la santé reproductive ou autre, ne rentrent plus dans leurs guidelines, elles vont disparaître du jour au lendemain. Donc c'est des business, mais derrière surtout, c'est de la santé en fait. En fait, c'est vraiment très, très grave. Et on voit bien que déjà sur les réseaux sociaux, tous les comptes qui font de la sexualité, de l'éducation à la sexualité, sont tout le temps censurés, shadowbanned, sont bannis. Et en ce moment, c'est encore pire. Et donc, ça veut dire qu'il faut que les gens prennent conscience que tous les comptes qui ont des propos extrêmes, violents, masculinistes, ça, il n'y a pas de problème. C'Est zéro censure. Mais tous les autres, en fait, ça pose vraiment aussi la question dans quelle société on a envie de vivre. Et je pense qu'on ne se rend vraiment pas compte en ce moment des dangers, et notamment pour les femmes.

Patrick: En plus, il y a des couches de mille feuilles par rapport à ce que vous dites. Moi, je suis assez sensible à ce que j'appelle la souveraineté numérique dans mon secteur d'activité liée au web, à la tech, etc. Mais en fait, c'est la souveraineté industrielle et c'est la souveraineté de la santé et de la sextech aussi. Soyez en passant, jusqu'à présent, je crois que c'est en train de regarder pour être changé, mais les données de santé des Français, HDS, sont chez Microsoft. Microsoft, vu qu'à preuve du contraire, c'est américain. J'ai quand même quelqu'un qui m'a dit dernièrement. Non, mais Microsoft, c'est Microsoft France. C'est bon, c'est en France. Ah bon ? Non, mais je ne crois pas. Microsoft, ce n'est pas français. Voilà le traçage des infos. On sait qu'aux États-Unis, il y a déjà une femme qui a été condamnée via son appli, via son téléphone. Elle a été traquée et qu'elle a changé d'état pour aller avorter parce que ce n'était pas... Et donc, jusqu'où on va en fait ? Alors on se dit chez nous, on n'y est pas. Mais le problème, c'est que tous ces outils-là, on les utilise et ils ne sont pas chez nous. Et en fait, on n'a pas la main. Et on n'a pas de contre-pouvoir. Aujourd'hui, il faudrait vraiment qu'on ait beaucoup plus de cyberféminisme ou beaucoup plus de cette question-là de comment on crée un contre-pouvoir. Comment on s'en sort ?

Patrick: Complètement, complètement. Oui, c'est vrai. Mais c'est vrai que si on se pose 5 minutes et qu'on commence à analyser ces outils du quotidien numérique, en fait, 98 %, ils sont américains. Ils sont pas... A mon avis, les outils du quotidien, on a beau essayer de faire des efforts, bon, c'est pas...

Christel: C'est clair, c'est un vrai sujet. C'est vraiment un sujet.

Patrick: Justement, Christel, vous parliez de l'aspect santé. Est-ce que ça, ça a été une contrainte supplémentaire quand on fait un produit, un sextoy et qu'on est dans la sextec ? Quelles normes on doit respecter ? Il y a la santé qui vient mettre son grain de sel aussi par rapport à ça ou pas nécessairement ?

Christel: Le sextoy est encore, même si maintenant il y a une norme ISO, mais dans un grand vide juridique parce que c'est pas... Alors une sonde pour la rééducation du périnée est un dispositif médical. Donc là, en fait, c'est un procès. Mais un sextoy, il ne l'est pas. Par exemple, pour un sextoy connecté, il faut la norme CE pour la mise sur le marché. Les choses qui vont être vérifiées, c'est notamment que si on laisse le sextoy branché et qu'on bloque le moteur, il ne s'enflamme pas. Par contre, c'est là où il y a un vrai problème, c'est que sur la qualité des matériaux et du silicone, on demande simplement de fournir un certificat transmis par le fabricant. Personne ne va jamais voir si le certificat transmis est vrai et personne ne va jamais tester la matière pour voir si vraiment elle est de bonne qualité. C'est pour ça qu'on a des vrais problèmes, on a des teuils qui sont arrivés sur le marché, qui ont déteint. Il y a des choses vraiment horribles. C'est un vrai sujet.

Patrick: Christel, j'aimerais... On a un parcours entrepreneurial que je ne soupçonnais pas à ce point-là. Vous voyez, Christel, vous m'avez fait la surprise de me raconter. Ça coche toutes les cases. Start-up, levée de fonds, financement, échecs, rebonds. C'est vraiment... Bravo ! Déjà, je vous tire mon chapeau parce qu'un parcours intense, c'est le moins qu'on puisse dire, assez incroyable. Je voudrais que justement à ce moment-là, vous nous parliez peut-être, ça fait maintenant sept ans déjà que vous avez lancé ça, mais est-ce que vous pouvez nous parler de manière plus approfondie de Sextech for Good ? Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que vous faites ? Quelle est la matière que vous avez construite autour de tout ça ? Et peut-être juste avant, une dernière question avant qu'on passe à ça, comme vous avez parlé de la partie contenu, avec maisons d'édition, auteurs, tout ça. Est-ce qu'à un moment donné, là on est rentré, vous l'avez vu, dans une phase de créator-économie. Ça a pris énormément d'ampleur, beaucoup de productions vidéo, audio, podcast, etc. Est-ce que vous, à un moment donné, vous avez dit tiens, je suis une amoureuse des mots, je lis beaucoup, etc. Est-ce que vous auriez pu peut-être essayer d'utiliser ou d'enlever le côté interactif de votre maison d'édition, mais peut-être essayer de produire des oeuvres, bibliothèques de contenu, des BD, enfin je sais pas. Est-ce qu'à un moment donné vous vous êtes dit tiens, je peux essayer de faire quelque chose avec la partie édition sur BeSensory ?

Christel: J'aurais pu, ça serait peut-être un des regrets, je pense que ça aurait été un des pivots possibles, mais c'est vrai qu'en vendant des contenus des petites histoires érotiques à pas cher. Enfin, vous savez à quel point c'est compliqué aux gens de faire acheter des contenus numériques. Donc, avant de faire vivre une entreprise en vendant des histoires à 2 euros, il aurait fallu en vendre vraiment beaucoup. Et au moment où j'aurais pu faire la bascule, je pense que j'avais déjà même plus assez de cash pour... J'aurais eu les contenus, mais il aurait fallu faire beaucoup de marketing, il aurait fallu... Donc, effectivement, ça aurait été... Ça aurait été tout à fait un pivot...

Patrick: C'est ça, j'ai pensé à ça parce que... Parce que c'est vrai que ça, c'est depuis, évidemment, les temps ont évolué. Mais c'est vrai que désormais, la partie production de contenu, édition, la creator economy, vraiment, comme on l'appelle, est vraiment en train de prendre une ampleur très, très importante. Et d'ailleurs, il y a beaucoup d'initiatives dans les contenus, notamment érotiques, interactifs, avec des applis, avec des podcasts, etc. C'est un vrai, il y a une vraie tendance

Christel: Il y en a peu qui réussissent et il y en a peu qui gagnent leur vie. C'est-à-dire qu'on a eu des géants qui sont arrivés d'Allemagne avec Femtasi et des fonds marketing incroyables et qui ont balayé beaucoup d'acteurs français qui travaillaient bien mais qui n'avaient pas le moyen de faire de marketing. Il y en a quelques-uns qui s'en sortent bien parce qu'ils ont été vraiment sur des choses très particulières.

Patrick: Niche ou des choses comme ça ?

Christel: Voilà, dans Sextech for Good qui s'appelle Melba et qui fait de l'audio, des audio guidées intimes pour les couples. Donc on suit un scénario, donc ils sont vraiment sur quelque chose de particulier et ça cartonne. Mais c'est vrai que tous les gens qui font des podcasts érotiques pour vendre ça, c'est vraiment, c'est très, très compliqué. Il y a toute une logique.

Patrick: Je vais apprendre ça, la complexité de monétisation. Clairement, oui. De toute façon, on est sur des choses d'ailleurs exploratoires avant de trouver ce qu'on appelle le PMF, le Product Market Fit, avec mon super anglais Christel. Donc, c'est vrai que c'est des vrais sujets parce qu'en plus, il y a des bouleversements technologiques qui sont en train de modifier la création de contenu puisque bon, on est bien obligé d'évoquer ça. Désormais, l'IA est partout et le sera de plus en plus. Et donc, ça vient à nouveau bouleverser la manière de produire, ce qu'on peut produire, à quelle vitesse on peut produire les contenus et les diffuser, etc. Donc, il y a encore une évolution de marché qui est en train de se faire bousculer très sérieusement, y compris sur ce sujet de ce secteur de l'érotisme et de la sextech.

Christel: Oui, qui va beaucoup, beaucoup bousculer des secteurs comme le dating, par exemple, parce qu'il y a de plus en plus de gens qui vont aller se créer des avatars et des petits amis ou des compagnons, voilà, virtuels. Bien ou pas, je ne sais pas, on pourrait refaire une émission là-dessus, mais c'est une réalité. Aujourd'hui, on voit même déjà, ça y est, il y a des thérapeutes. J'étais la semaine dernière, j'intervenais dans une conférence avec des médecins et une médecin psy sexo qui me dit mais moi, c'est la première fois que ça m'arrive, mais c'est flippant. J'ai compris au bout de 40 minutes que la personne dont me parlait, mon patient, était une personne virtuelle. C'était du GPT ou je ne sais pas quoi. Ou des gens qui arrivent avec des histoires. Ça y est, on commence à y être.

Patrick: Tout le sujet des agents, des agents émotionnels, des agents IA qui reproduisent effectivement des pseudo comportements émotionnels humains. C'est un vrai sujet. Et puis il y a le sujet de la séniorité dont vous occupez aussi pas mal ces derniers temps.

Christel: Yes.

Présentation de Sextech for Good

Patrick: Alors justement, Christel, allez. Le collectif. Le collectif, c'est Sextech for Good. Voilà, super anglais, Sextech for Good. Et d'ailleurs, juste avant ça, je vois qu'il y a Femtech France, c'est une autre association complémentaire, parallèle. Femtech France, c'est quoi ?

Christel: Alors Femtech France, j'étais à la co-créatrice, je ne suis plus de manière opérationnelle parce que je ne peux pas être partout. Elle a vraiment été faite pour encourager, accompagner l'innovation en santé des femmes. C'est un secteur qui, maintenant, émerge, mais qui, il y a quelques années, ne l'était pas du tout. Et on sait qu'il y a énormément de... Les biais de genre ont eu un impact vraiment fort sur la santé des femmes avec des maladies. Je veux dire, on est encore à sept ans d'errance médicale pour diagnostiquer une endométriose. Ce n'est pas normal. Et plein de maladies comme ça qui n'étaient pas connues. Donc, il fallait faire quelque chose pour rééquilibrer. Et on a des startups qui sont dans les deux domaines. Mais maintenant, voilà, moi, je suis plus sur Sex Take Forward qui, elle, s'occupe de tous les projets innovants dans tous les domaines de la sexualité. Donc, encore une fois, éducation, santé, plaisir.

Et donc, c'est un collectif. C'est vrai qu'ils regroupent aujourd'hui 40-45 entreprises, startups, sociothérapeutes, avec cette idée de « on est plus fort ensemble ». On n'est pas si nombreux que ça dans le secteur de la sextech en France, donc il vaut mieux se parler et voir quelle synergie on peut faire, comment on peut communiquer ensemble sur notre secteur, parce que quel que soit le projet qu'on porte, on a les mêmes écueils de banques, de financements, de communications sur les réseaux sociaux. Comment, nous, on peut faire mieux ensemble ? On porte des sujets de fond sur, justement, les questions d'industrialisation, où on travaille avec une chaire d'innovation, la Manage IA, et avec une anthropologue, Fanny Paris, sur comment on utilise de manière éthique l'IA, justement, dans les innovations liées à la sexualité. C'est des vrais sujets. Et puis, on a aussi une partie agence dans SexTech for Good, où on offre différents services avec que des gens qui connaissent bien les particularités de ce domaine-là pour accompagner les entrepreneurs de manière opérationnelle.

Patrick: Ok, donc là, c'est quoi ? C'est des consultants ? Vous faites des missions de conseil, un accompagnement opérationnel en mode freelance ? C'est quoi l'organisation de cette partie-là ?

Christel: Alors, il y a une partie qui est faite par une... On vient de s'associer avec une jeune agence qui s'appelle Santé sexuelle, qui est vraiment une agence 360 classique, mais elle est uniquement dédiée aux sujets sexaux parce que c'est important de travailler avec des gens, encore une fois, qui connaissent bien les contraintes du domaine. Donc eux, c'est de la production de contenu, de la vidéo, des campagnes, peu importe. Et nous, on a des gens du côté de Sextech for Good, comme moi, qui sont plutôt sur le côté consulting, création de nouveaux services, création de produits, voilà, accompagnement, rédaction des pitchs, voilà, c'est sur un aspect peut-être un peu plus stratégique, mais lié à la Sextech, donc c'est extrêmement complémentaire. Moi, par exemple, en ce moment, je travaille de manière très opérationnelle pour une startup dont on a déjà évoqué, Always Valentine, et qui s'occupe justement de la sexualité des seniors. Les seniors vont être de plus en plus nombreux. Et voilà, on a créé la première plateforme de s'exploration des sexes ingénieurs et plus. Et c'est important parce que l'amour n'a pas d'âge, le plaisir non plus.

Patrick: J'y arrive, j'y arrive. J'ai encore dix ans, mais dans dix ans, j'y suis. Ça dépend après le mot. Qu'est-ce que c'est que c'est un seigneur ? Ça dépend d'où on parle. Dans l'entreprise, c'est 45. Pour la retraite, c'est 60 et quelques. Pour les médecins, c'est 75. Je crois que ça commence quand on a décidé qu'on était seigneur ou pas. C'est des vrais sujets. Cette structure, elle a une structure juridique de type association, société ? Comment vous avez fait ?

Christel: C'est une association à 1900.

Patrick: D'accord. Vous avez évoqué 45 membres, c'est ça, de l'asso ? Est-ce que vous êtes en mode ouverture, recrutement de nouveaux membres ? Quelle est l'approche que vous avez, Christel, avec le donner du poids peut-être et prendre à bras le corps des sujets avec l'asso ?

Christel: On a toujours besoin de bras, comme on dit, ça tourne parce que c'est vrai qu'en fonction des projets, il y a des projets qui arrivent et puis ils ne vont pas jusqu'au bout. Et puis il y en a qui, à un moment donné, réussissent et donc ils se sentent peut-être un peu moins concernés. Ils ont peut-être un peu moins besoin du collectif et un peu moins de temps, donc ils sortent aussi. Puis on a toujours des nouveaux projets qui arrivent. Là, ce que je trouve intéressant, c'est qu'on commence à avoir des projets bien établis qui aussi rejoignent peut-être des acteurs qui commencent à comprendre mal et tout, à l'intérêt de se positionner, de défendre les valeurs du secteur, parce que ça devient parfois compliqué, même pour eux. Je veux dire, un passage du désir qui nous a rejoint la semaine dernière, clairement, il n'y a pas besoin du collectif pour avancer. Et pourtant, même lui, à date, quand il veut rouvrir des boutiques, il a toujours des problèmes à convaincre certaines banques, il a toujours des problèmes d'installation dans certaines, et donc, participer à la détabouisation de ces sujets-là et prendre la parole sur des sujets de fonds, en fait, ça aide tout le monde. Et en plus, il a toujours eu un rôle très actif aussi pour aider des jeunes start-up et des entrepreneurs français. Donc, on s'est rejoint sur ces valeurs-là.

Patrick: C'est le premier réseau de boutiques en France, Passage du Désir ?

Christel: Oui, c'est ça. Et c'est vrai qu'ils investissent aussi sur d'autres projets. Ils ont aidé puissantes, ils ont aidé des grappules, ils ont aidé des réjouis comme en ce moment. Et c'est bien en fait qu'ils jouent leur rôle d'acteurs qui comptent dans le secteur. Voilà. Et oui, on espère toujours avoir de plus en plus de membres parce que plus on sera visibles, plus on sera nombreux et plus j'espère, on sera un jour entendus en montrant aussi la variété des sujets qu'on traite et l'impact que ça peut vraiment avoir avec toujours ce même leitmotiv en disant voilà, nous sommes un secteur d'innovation, il y a de la valeur à créer et en fait, aidez-nous. Arrêtons de dire ce n'est pas politiquement correct, ce n'est pas éthique, c'est faux. C'est utile, encore une fois, c'est de la santé publique, c'est de l'éducation et c'est un changement sociétal.

Patrick: Et c'est aussi pour ça, Christel, que ça touche. C'est difficile à mettre en œuvre et à faire avancer parce que ça touche des sujets, comme vous dites, qui sont des triptyques, le triptyque magique, l'éducation, la santé, la politique. Ce n'est pas des sujets faciles à faire évoluer. Et en plus, avec, comme vous dites, une histoire, une histoire patriarcale, une histoire d'éducation de nos sociétés, qui n'est quand même pas super aware, comme dirait Jean-Claude Van Damme, sur le sujet. Donc, ce n'est pas facile à faire bouger les lignes. Je le vois bien.

Christel: C'est ce qui rend aussi l'aventure passionnante. C'est ce qui lui donne du sens aussi. Je crois qu'il faut quand je vois le contexte actuel, je me dis plus que jamais, la sextake et notre collectif a eu une dimension politique qui a un rôle de contre-pouvoir et d'alerte. Et donc voilà, j'espère que ça, même si c'est dur, j'espère que ça permettra aussi à plus en plus de gens de s'éveiller à ça et de se dire ah oui.

Patrick: Franchement Christel, j'évoquais tout à l'heure la petite anecdote de ce que j'ai écouté parler à la radio ce matin. Je trouve ça totalement indécent de parler de manière aussi naturelle et sans aucune émotion de productivité et de cadence de production pour créer en sortie d'usine des balles et des ogives et pas parler de la sextoy. Vous voyez ce que je veux dire ? Moi, ça me choque. C'est-à-dire que c'est devenu un sujet lambda. On parle de la pluie, du beau temps, on est en train de parler d'ogives et de balles et d'armes. Moi, je voudrais qu'on parle de sextoy. Pourquoi on pourrait pas avec le même la même normalité ? Pourquoi on ne parlerait pas que la même normalité des sextoys ? C'est quand même dingue, quoi. Voyez ce que je veux dire ? C'est moi, franchement, je...

Christel: C'est une convaincue. Ce qu'il faut qu'ils se rendent compte, c'est que la réalité est vraiment... Et les auditeurs et les gens qui vont nous écouter se rendent compte que même ça nous arrive encore d'être interviewés. Il y a des journalistes qui nous contactent pour essayer de parler bien de nos sujets, justement de l'impact sociétal, de ce qu'est-ce que ça dit de notre société en termes d'égalité, de rapport entre les hommes et les femmes. Il y a plein de sujets, vraiment. Et régulièrement, les sujets, quand ils sont proposés, sont retoqués par un rédacteur en chef qui dit « non, on ne peut pas en parler de ça ».

Patrick: On peut, nous on peut, nous on fait des coups de projecteur, on n'en a rien à cirer, ce sont des sujets, c'est l'avantage, Christel, c'est l'avantage d'avoir son propre médium, donc bienvenue chez Je Ne Perds Jamais, on a tout à gagner ici, on est là pour l'éducation, pour la transmission, pour le partage, et donc voilà, on peut annoncer d'ailleurs que vous êtes la pionnière d'une grande série d'interviews qui vont venir sur les sujets et avec grand plaisir je vais donner des coups de projecteur et je vais recevoir tous les membres et toutes les personnes de votre organisation qui ont envie de venir s'exprimer sur leur sujet parce qu'en plus, comme vous dites, tout comme là, les autres, ils sont en train de nous raconter les histoires de création d'ogive. C'est hyper intéressant. On le voit bien. On parle d'industrie, on parle de produits, on parle d'objets, on parle d'entrepreneuriat, tout ce qu'il y a de plus classique avec de la finance, des levées de fonds, de l'emploi, de l'emploi, des salaires, des salariés, etc. Donc, franchement, c'est un sujet comme un autre. C'est un sujet comme un autre et c'est vraiment très, très malheureux. Donc, on va réunir nos forces. Voilà, on est ici, c'est je ne perds jamais, je porte fort les couleurs de l'action. Donc, on va faire tout ce qu'il faut pour faire. Et merci pour tout ça d'avance.

Christel: Estelle, ça me paraît logique. De toute façon, moi, j'ai une approche de l'action, de l'éducation. C'est très important et du partage de la transmission. Qu'est-ce qu'on va laisser ? Moi, je suis un petit peu dans cette approche de me dire, j'ai un parcours qui consiste à me dire que j'ai envie désormais de transmettre, éduquer. On a des bouleversements du monde qui sont tellement importants qu'on ne peut pas faire comme si ça n'arrivait pas. En plus, vous avez mis le doigt et un petit focus sur quelque chose qui est très important, c'est que la population est en train de vieillir. On a de plus en plus de qualité de santé et l'IA va, là j'ai vu passer un papier comme quoi on était en train d'inventer des petits nanorobots qui vont se balader dans les artères, etc. On va améliorer les cancers, les trucs, etc. Ça veut dire qu'on va vivre quand même de mieux en mieux, de plus en plus longtemps. Alors qu'est-ce qu'on va faire là côté sexo ? Donc c'est des vrais sujets et il y a tout le sujet des maisons, des maisons de retraite, des maisons médicalisées, etc. et où la sexualité a toute sa place. C'est des sujets de santé publique en fait. Donc merci Christel de représenter et de travailler depuis sept ans déjà maintenant avec ça. Donc je rappelle, je mettrai dans les notes de l'épisode toutes les coordonnées, le site, etc. On essaiera d'aller voir. Et puis comme je le dis à tous les invités qui viennent, en fait ce qui est bien, c'est que vous avez désormais un siège ici et une porte qui est ouverte à vie. Donc, quand vous allez avoir des actualités à nous raconter ou des mises à jour ou quoi, eh bien, vous êtes là, bienvenue. Et puis, si vous avez envie d'organiser même du podcast à plusieurs, faire à la limite une table ronde, eh bien, faisons-la, faisons-la. Ça sera avec grand plaisir qu'on pourra organiser ça.

Les questions de la fin

Patrick: Avant de nous quitter, je vais vous poser les questions de la faim, comme je les appelle. En plus, là, j'ai découvert que vous étiez fan des mots, de l'écriture, des livres, etc. Est-ce que vous avez un livre, LE livre, pour vous, incroyable, que vous aimeriez nous conseiller de lire ou nous recommander ?

Christel: Je vais vous partager le plus récent parce que je pense que dans le climat encore actuel, il est nécessaire de lire ce petit essai qui s'appelle « Et la sexualité, qu'est-ce que ça change ? » de Magali Crosé-Calisto qui nous interpelle vraiment sur cette idée du Thanos et de Thanatos, de l'économie de la vie, de l'économie de la mort, et qui nous rappelle que dans 1984, de George Orwell, ce qu'on propose aussi d'éliminer, c'est l'orgasme et le plaisir, et c'est ce que font en général tous les dictateurs, et on voit que dans les dictatures, le plaisir, la sexualité et notamment le corps des femmes est empêché. Et donc, je pense qu'il faut vraiment... Ce petit essai est facile à lire, mais il est assez édifiant et il dit à quel point la sexualité dit de nos sociétés. Et je pense qu'il est vraiment temps qu'on se pose cette question et que les gens pensent à leur sexualité, non pas juste de manière futile, mais sur le prisme santé, mais aussi sur le point de vue politique. Qu'est-ce que ma sexualité dit aussi de moi, de mes comportements, de rapport à l'autre ? comment je considère l'autre, comment je considère les femmes, comment je considère les hommes. C'est très riche. Donc, je vais me concentrer là-dessus parce que c'est une lecture importante pour le moment.

Patrick: Je vais vraiment à ce moment-là, déjà moi-même, je vais déjà aller me plonger là-dedans. Moi, je lis beaucoup ce qu'on appelle en livre électronique et en audiobook, mais je verrai s'il existe. Mais en tout cas, je vais aller mettre ça, je mettrai ça dans une autre épisode très important. Et en fait, Christel, ce que vous venez d'annoncer avec ça, c'est que finalement, la sexualité, c'est intrinsèquement lié à la liberté. C'est la liberté, la sexualité, c'est ça. Et quand on cherche à brider la sexualité ou à l'annihiler, on est en train de faire la même chose sur la liberté. Donc, c'est ça le sujet de fond.

Christel: J'ai toujours dit, mais voilà, ça paraissait flituer les moquettes de moi. Mais vous savez, le jour où partout dans le monde, n'importe quelle femme pourra aller acheter librement un sextoy dans un magasin, c'est qu'on aura franchi un... Voilà, c'est une anecdote, mais en fait, ça dit tout. Et puis, c'est très lié. On en parlait de votre propre éducation et celle que vous avez donnée aussi à vos filles. Ce qui se passe, c'est que tout ça dépend encore beaucoup, énormément, justement, de la transmission et de l'éducation sur la sexualité. Le souci qu'on a, c'est que nos générations, mes parents et les vôtres, etc., ils nous ont éduqués sur ce plan-là, comme eux-mêmes avaient reçu, je dirais, la chose. On a encore beaucoup de chemin à faire sur l'esprit d'ouverture et la tolérance et puis les explications autour de ça. Comme vous dites, ça reste des sujets qui sont ancrés de manière très taboue dans nos sociétés, malheureusement.

Patrick: J'arrive trop tard pour la deuxième question. C'est le fameux chèque en blanc. J'aurais voulu, Christel, qu'est-ce que j'aurais voulu que ce bout de produit, objet connecté, cartonne ? Parce qu'en plus, le pire, c'est que, Christel, je me dis que là, encore maintenant, il y a un truc à faire, il y a un potentiel à faire. L'idée là, l'idée, le concept, votre idée créative, créatrice, elle est franchement, je la trouve vraiment super, super intéressante. Il y a vraiment quelque chose qu'il faudra...

Christel: C'est pour ça que si j'avais un chèque en blanc, si j'avais un chèque en blanc, je devrais ouvrir une usine de Thoï. Mais c'est un de mes rêves et je pense que ce serait une très belle manière pour moi de boucler l'histoire. C'est pour ça que je... Je travaille sur le sujet. Je ne sais pas si j'y arriverai un jour, mais ce n'est pas grave. Mais oui, comment créer et arriver à avoir une usine mutualisée en France ou en Europe, mais peu importe, être capable de fabriquer des toys de qualité avec des nouvelles normes et autres. Demain, j'ai un chèque en blanc, c'est ça que je fais.

Patrick: En plus, avec, comme vous dites Christel, avec de la capacité d'innovation, parce que désormais, les progrès sont fous aussi du côté de l'électronique. Donc, on peut faire vraiment, effectivement, pas mal de choses à ce niveau-là. Les matériaux évoluent aussi pas mal. Donc oui, écoutez, je prends ce règle-là. Et en plus, mais franchement, comme vous l'avez dit, Christel, le fameux plan d'industrialisation avec les milliards, il faut les aiguiller, il faut réussir à les aiguiller. Pourquoi la Sextec serait une industrie moins importante que celle de fabriquer des ogives. J'aimerais bien sur cette radio, je vais leur envoyer un message Christel, je vais leur faire un petit message, je vais leur dire bon vous parlez d'ogives et de cadence à l'heure pour fabriquer des balles, mais si on fabriquait des sextoys ça serait pas mal.

Christel: Mais ça fait beaucoup plus peur d'avoir des gens qui sont heureux, qui sont indépendants et autonomes que cette dimension-là, on voit bien les peurs des populations et autres. Ce n'est pas pour rien, en fait, si le sujet de la sexualité est comme ça, si on en a fait quelque chose de tabou, de sale, de grave, de compliqué, alors qu'en fait, c'est complètement naturel. Ça fait partie de nous. On est des êtres désirants. C'est une énergie de vie qui est incroyable. C'est une énergie positive. C'est une source d'estime, de confiance en soi, de bien-être. Est-ce qu'on a vraiment envie que tous les gens aillent bien et soient complètement autonomes, conscients ? J'en suis plus tellement convaincue parfois. Les gens sont beaucoup plus malléables quand ils ont peur.

Patrick: Ça vient nous enlever vraiment nos libertés, en fait. C'est-à-dire que c'est vraiment rattaché aux idées de liberté. Si on regarde les mouvements d'histoire, comme effectivement que vous avez évoqué, il y a toujours des impacts très profonds sur la sexualité des gens, l'homosexualité, etc. On le voit bien au cours de l'histoire, ça a toujours été une arme de destruction de la liberté, en fait. Et on voit bien qu'aujourd'hui, il y a quand même la plus grande scale qui représentait la plus grande démocratie dans le monde. Les États-Unis, je ne sais pas si on se rend compte vraiment de la bascule, de la vitesse à laquelle... Et vous vous regardez dans les premières prises de position des masculinistes ou même du premier vice-président. C'est quoi ? C'est le corps des femmes ? C'est la reproduction ? C'est l'effacement des femmes dans les publications scientifiques ? Mais c'est tellement... Moi, je suis même choquée qu'il n'y ait pas eu plus de gens dans le monde, notamment de dirigeants, en disant mais en fait, non, en fait, le pouvoir ne peut pas s'impliquer comme ça dans le savoir et ne peut pas effacer et invisibiliser 50% de l'humanité. Ce n'est juste pas entendable.

Christel: Non, ce n'est pas possible. On y arrive quand même et c'est juste incroyable. Il y a un ordomissement, c'est vrai. Il y a un endormissement avec ça. Il y a ce côté, effectivement, vous savez, ça me fait penser, Christel, à l'anecdote de la grenouille que vous mettez dans une casserole et vous faites monter en température au fur et à mesure et pas vous la plongez dans l'eau bouillante. En fait, c'est ça. On se fait endormir et on se rend pas compte de la gravité de ce qui est en train de se passer au niveau des prises de parole, des prises de position. Et c'est un truc dingo, quoi. Et ça passe crème, quoi.

Patrick: C'est pour ça que vous êtes là et c'est pour ça que la troisième question c'est passage de relais, effet boule de neige, on va faire un tsunami sur ce sujet-là. Christel, je vous invite et je vous encourage à me dire quelle est la prochaine personne que je vais recevoir sur ce secteur de la sextech et vous allez me mettre en relation et avec grand plaisir je vais lui ouvrir les portes du podcast.

Christel: Dans la continuité, je pense qu'on l'a un peu évoqué, mais la sexualité des seigneurs me plaît bien, donc je vous dirais Céline Candelier d'Always Valentines. Et pourquoi ? Parce que ça implique aussi un changement de société. Moi, j'aime dire que la sexualité des seigneurs devrait être un modèle pour les plus jeunes, parce que les seigneurs nous disent qu'ils n'ont pas de problème avec leur sexualité. Encore une fois, c'est la société qui... C'est nous qui sommes en train de dire oui.

Patrick: Exactement, d'agisme.

Christel: Et quand on les regarde et quand ils nous parlent de leur sexualité, ils se sont affranchis de la norme du corps désirant désirable. Ils sont ridés, mais ils s'aiment quand même. Ils prennent le temps, ils ont découvert le slow sex. Et comme ils ne peuvent plus tout miser sur l'érection, je parle des relations notamment hétéros, même pas qu'eux. En fait, ils décourent un champ plus large de communication, de sensualité, de toy, de cosmétiques intimes et autres. Et donc, ils développent une palette sexuelle et fantasmatique plus large. Et je pense qu'on peut écouter ça, le discours, même très tôt dans sa vie. Et ça peut aussi aider à avancer bien plus sereinement, de manière beaucoup plus joyeuse en âge. Ils ont des sacrées leçons à nous donner sur la sexualité. Et si on pouvait d'ailleurs prendre l'éducation auprès d'eux plutôt qu'auprès d'un porno complètement abrutissant, on n'en s'en porterait que mieux.

Patrick: Donc, eh bien, super. All the West Valentine. Eh bien, super. Je vais avoir grand plaisir à recevoir cette personne ici. Et puis de votre part Christel, j'ai passé un super moment avec vous et franchement il faudra revenir, je vous le conjure, je vous réitère ma proposition, venez organisons des prises de parole, des tables rondes, inventons la table ronde podcast, ça se fait pas toujours. L'avantage, c'est que désormais, avec les technologies, on peut faire des choses à distance, on peut être en visio, on peut avoir des gens qui peuvent être partout dans le monde. Donc, avec grand plaisir, je vous invite, Christel, à passer le flambeau, ce que vous faites déjà avec l'assaut. Et puis, franchement, je vais, avec grand plaisir, diffuser tout ça auprès des réseaux. Merci encore. C'était un super moment, Christel.

Christel: Merci beaucoup, Patrick. J'espère que ça vous a plu. Et puis, je vous dis à bientôt sur les réseaux.

Patrick: À très bientôt encore. Merci. Merci Christel, à bientôt.

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